La petite Carolyn a grandi « au fin fond des Alpes de Haute-Provence, à 60 km du théâtre le plus proche ». Mais elle avait une maman extraordinaire qui lui a ouvert très tôt les portes de la culture : cinéma (« j’ai vu des films en VO avant de savoir lire»), théâtre, leçons de piano et surtout danse classique dès 5 ans : sa vraie passion.
La fillette « du genre hyperactive calme » devient une étudiante brillante à Sup de Co Reims, « une ville géniale », où elle va de théâtre en théâtre, de ballet en opéra, en spectatrice mais pas que. Elle travaille aussi le soir et le week-end comme ouvreuse. Vient le temps des stages qu’il faut trouver, des patrons qu’il faut convaincre…
Carolyn vise le Festival des enfants du jazz. Le directeur se montre sceptique, mais elle lui prouve par A + B qu’elle est la stagiaire qu’il lui faut, « la femme à tout faire » qui collera les affiches, préparera les loges, accueillera les artistes… Il ne le regrettera pas. Pas plus que la directrice générale de Haut et Court, société de production et de distribution cinématographique qui, à l’issue de son stage, lui offrira son premier job.
Elle y travaillera cinq ans, le temps de connaître Cannes, ses marches et la magie de la Palme d’or pour «Entre les murs », un film produit par son employeur.
Coup de théâtre
En quête « d’ouverture », elle se rapproche des médias. Justement la responsable des partenariats culturels de A nous Paris quitte son poste. Elle le lui propose, banco ! Elle y restera huit ans, l’occasion de fréquenter assidûment le Théâtre de Suresnes, de voir des spectacles formidables et de rencontrer Olivier Meyer, « un directeur qui reçoit ses spectateurs, c’est rare ».
Une connaissance leur organise un rendez-vous, il se montre « impressionnant, chaleureux » mais désolé : il n’a rien à lui proposer. Coup de théâtre : à l’automne 2018, le Théâtre recherche une nouvelle secrétaire générale. Carolyn ne postule pas : elle vient d’avoir un bébé. À son retour de congé, en janvier, deux nouvelles l’attendent qui vont changer sa vie.
A peine apprend-elle la fin d’A nous Paris, donc son licenciement, qu’Olivier Meyer l’appelle : « Je cherche toujours ma secrétaire générale, voyons-nous ». Son fils est trop petit, objecte la jeune maman… Pas de problème, le théâtre va fermer pour travaux, elle pourra s’en occuper le soir, rassure le directeur. « Il a l’art de soulever la réalité, résume-t-elle. Alors je me suis dit : j’y vais. Au bout de trois jours, j’ai su que j’étais à ma place et que ça allait être merveilleux. »
Réussir le grand écart
Trois ans de travaux et un covid plus tard, la désormais directrice du Théâtre Jean Vilar se dit heureuse, fière et reconnaissante de la confiance témoignée par la Ville, l’administration et surtout Olivier Meyer, son mentor et ami.
Sa feuille de route est prête, nourrie de convictions acquises au fil de ses expériences: « Le théâtre, c’est pour tout le monde », pour tous les âges et tous les publics, connaisseurs ou néophytes. Ce doit être à la fois le reflet de l’époque et le lieu de l’intemporel, la cohabitation des œuvres du répertoire et de la création contemporaine. C’est aussi l’égale importance de toutes les disciplines, l’hybridation des univers et la volonté de les traiter avec la même exigence. « C’est ce grand écart-là que je veux réussir. »