Stéphane Legras
Elle a prolongé sa carrière de quelques années et on la croise encore régulièrement dans les couloirs de l’école des Raguidelles où elle a enseigné plus de 40 ans. Parler de vocation pour Michèle Guilhem n’est pas galvauder l’expression. « Depuis toute petite je voulais être maîtresse », confirme-t-elle.
Née en 1948, Suresnoise de toujours, scientifique pur jus, elle estinscrite à la fac de Jussieu quand éclate mai 68. « J’ai alors un peu plus fait 68 que mes études, sourit-elle. J’ai rapidement demandé un poste d’institutrice remplaçante ». Sa première affectation la mène dans un bidonville de Nanterre. Chargée d’un cours préparatoire, enseigner en maternelle l’attire davantage. Rêve exaucé dès l’année suivante quand elle rejoint l’école Wilson. Quatre ans plus tard, la formidable aventure des Raguidelles commence.
« La directrice à l’époque , Liliane Guinot, était assez avant-gardiste. Dans cette école on se posait toujours des questions. Cela a été très formateur », se souvient Michèle Guilhem. Cette réflexion, complétée par son amour des enfants et son plaisir de communiquer ses savoirs font que Michèle, à chaque vacances, attendait la rentrée. Au fil du récit de ses années Raguidelles, celle qui en est devenue la directrice de la maternelle en 2004 évoque l’intégration réussie d’enfants déficients visuels.
« Les enfants visitaient le théâtre, rencontraient les artistes. Pendant 15 ans, j’ai réussi à faire venir au moins une fois par an les parents et les enfants d’une classe à un spectacle de Jean Vilar »
« Les enfants porteurs de handicaps apportent beaucoup aux enseignants et aux autres élèves. Au cours de ma dernière année, j’ai intégré un enfant autiste qui a même fait le spectacle de fin d’année, illustre-telle. Cela m’a boostée. L’école doit être ouverte sur le monde. » Et ce ne sont pas paroles en l’air. « Nous avons établi un partenariat avec le théâtre Jean Vilar. Les enfants visitaient le théâtre, rencontraient les artistes. Pendant 15 ans, j’ai réussi à faire venir au moins une fois par an les parents et les enfants d’une classe à un spectacle de Jean Vilar », rappelle-t-elle. Cet appel au sensible en apprenant à être spectateur, que l’on retrouvait dans ses voyages de classe annuels, nourrissait son enseignement, notamment sur l’écrit.
Infatigable, l’enseignante croit aux vertus des rencontres intergénérationnelles. Elle a mis en place une chorale à la résidence pour personnes âgées Locarno ces dernières années, y emmenant régulièrement des classes. Auparavant elle avait découvert, grâce au festival Suresnes cités danse, le hip-hop et s’était rapprochée de la compagnie Trafic de styles de Sébastien Lefrançois. « Il intervient depuis des années dans l’école. Cette année il a encore animé neuf ateliers auprès de six classes », salue Michèle Guilhem qui a même pris la présidence de la compagnie une fois retraitée, en 2014, après 46 ans de bons et loyaux services.
« Je ne voulais pas m’arrêter ! » Et une fois que la cloche avait sonnée ? La Suresnoise n’a jamais baissé le rythme. Mandoline, danses traditionnelles hongroises pendant 20 ans, elle fréquente maintenant un atelier de théâtre et va régulièrement voir des spectacles à Jean Vilar ou dans les théâtres parisiens. « J’ai une préférence pour le théâtre engagé, je pense notamment à Camus. J’ai toujours eu des convictions fortes, de gauche », souligne-t-elle.
Voilà pour la tête, mais les jambes ? « Je fais du yoga et du Pilates, mon fils est entraîneur aux Touristes de Suresnes et ma fille en est membre depuis 1980 », liste-t-elle. Avant de glisser qu’elle en est aussi membre du comité directeur. Et de sa part, cela ne nous étonne pas le moins du monde.