Pierre Tappou, au nom du père

mai 2022

Ce Suresnois a fait don à la Ville de huit œuvres réalisées par Jean Tappou, peintre autodidacte passionné par l’histoire de Suresnes qui avait voulu préserver la mémoire de ses quartiers anciens.

Texte : Arnaud Levy

C’ est un don qui vaut ce que valent les souvenirs, l’histoire et la passion. Par décision numéro 21098, le maire de Suresnes, Guillaume Boudy, a officiellement accepté au nom de la Ville huit œuvres réalisées par Jean Tappou, léguées par son fils unique Pierre : deux maquettes, quatre tableaux et deux gravures qui ont été reçus aux archives de la Ville en raison de leur intérêt patrimonial.

Ces oeuvres fixent dans la mémoire communale des aspects d’un Suresnes aujourd’hui disparu, celui que Jean Tappou a voulu sauvegarder au tournant des années 70, quand le vieux bourg agricole et ouvrier a cédé la place à un urbanisme moderne et triomphant.

Né à Paris en 1919 d’un père estonien et d’une mère russe, il est contraint durant la guerre au travail obligatoire en Pologne où il rencontre une jeune résistante qui deviendra sa femme, Anna. Le couple survit à l’insurrection de Varsovie, à l’internement dans le stalag 17B de de Krems-Gneixendorf (Autriche) et, après leur libération par l’Armée rouge, réussit à regagner la France puis s’installe à Suresnes en 1961.

Four banal

Cet artiste amateur et bricoleur talentueux qui fait carrière comme réalisateur et maquettiste dans l’audiovisuel, va se passionner pour l’histoire de sa ville. « Il était sous le charme du vieux Suresnes, ce village aux ruelles étroites et aux façades anciennes, et triste de le voir s’effacer », raconte son fils.

Les années 70 sont celles de la désindustrialisation, du béton et de l’urbanisme sur dalle. Jean Tappou parcourt les rues, observe, fixe dans sa mémoire, sur ses paquets de cigarettes ou sur des croquis, les détails et les couleurs qui font l’âme des vieux quartiers promis à la démolition.

Il les reproduira dans des tableaux exposés au Salon des artistes. Celui sur le Passage du Four banal, où au Moyen-Age les Suresnois venaient cuire leur pain, sera récompensé du Prix du Lions en 1990. Il met aussi toute sa minutie à recréer en maquette ce passage et l’Eglise Saint-Leufroy telle qu’elle était avant sa démolition en 1906. « Je l’ai regardé faire : ma chambre c’était son atelier », se souvient Pierre Tappou.

L’autre grande contribution de Jean Tappou à la mémoire suresnoise, c’est cette histoire de la ville en bande dessinée, réalisée avec l’historien Michel Guillot et publiée dans « Le Suresnois » de 1974 à 1977 (deux planches en ont été reproduites dans la rubrique Histoire du Suresnes mag d’avril).

« Cela a représenté deux ans de travail », souligne Pierre dont le père est décédé en 2013. En les léguant, ce fils unique âgé de 61 ans et sans enfant, a voulu les préserver mais surtout contribuer à nourrir le lien patrimonial avec le passé que maintient le ser vice des archives municipales. « Pour moi comme pour mon père, ces œuvres se devaient d’appartenir à Suresnes. »

Des dons de particuliers reçus par les archives ou le MUS

DONNER AUX ARCHIVES

Les archives municipales ne répondent pas qu’à l’obligation règlementaire de conserver les documents officiels relevant de la gestion administrative de la commune, elles jouent aussi un rôle qui est à la croisée de l’histoire et de la mémoire.

« Nous avons vocation à conserver tout ce qui peut illustrer la vie passée de la commune, explique Haude de Chalendar, responsable des archives de Suresnes. On peut donc recevoir une grande diversité d’objets ou de documents si ceux-ci présentent un intérêt patrimonial. Nous leur garantissons de bonnes conditions de conservation et nous pouvons les exposer au public à l’occasion de rendez-vous culturels ou de portes ouvertes. »

L’archiviste a par exemple reçu au nom de la ville une maquette d’un avion Blériot 110 produit à Suresnes et légué par un ancien de la société, ou une collection complète du « Suresnois » des années 60 aux années 80.

Les Suresnois peuvent-ils sans le savoir laisser dormir dans leur grenier des documents utiles à sa mémoire ? « C’est tout à fait possible », juge Haude de Chalendar qui est notamment preneuse de photographies illustrant l‘histoire urbaine de la ville et celle du monde du travail ou de documents en lien avec la Seconde Guerre mondiale et la Résistance.

DONNER AU MUS

Le Musée d’histoire urbaine et sociale de Suresnes (MUS) peut lui aussi s’appuyer sur les dons des habitants pour développer sa politique d’acquisition.

« Les objets doivent compléter les collections selon les axes de son projet scientifique et culturel », précise Emeline Trion, chargée de valorisation des collections. Et le champ des dons possibles est large. Depuis 2012, le MUS a ainsi reçu de particuliers : un guide-chant, une affiche publicitaire d’Olibet, 501 cartes postales sur l’affaire Dreyfus et un album, un embouteilleur, un serre-façade, un programme du Théâtre national populaire (TNP), 3 poudriers Coty, une boîte de biscuits Olibet Anges et un objet publicitaire Jeu de dominos. Perle de cet inventaire : un buste d’Alexandre Maistrasse par René Letourneur, don de la famille Lelong. Toutefois, rejoindre les collections du musée suresnois est un privilège qui se mérite.

« Le MUS étant Musée de France, les propositions sont soumises à l’avis de la Commission scientifique régionale des collections », souligne Emeline Trion et pour chaque proposition d’acquisition « un dossier est adressé à la Direction régionale des affaires culturelles détaillant l’intérêt du bien proposé intrinsèquement, par rapport aux collections du musée et au regard des collections à l’échelle régionale ou nationale ».

Enfin, le MUS a bénéficié aussi de collectes auprès des services de la Ville comme la crèche Darracq et les établissements scolaires de la Cité-jardins, qui lui ont transmis des objets comme un guide-chant et plus récemment un petit cheval à roulettes à tirer.

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