COMME UN ARBRE DANS LA VILLE

mars 2020

Dérèglement climatique, vents violents, canicules, sécheresses, épisodes neigeux… Les temps sont durs pour les arbres. À Suresnes, la technologie vient au secours de la nature en ville.

Textes : Thierry Wagner. Photos : Marine Volpi

Trois mille arbres dans le parc du château, celui des Landes et les autres squares et jardins de la ville, 2270 arbres d’alignement et « d’accompagnement de voirie », 200 dans les crèches et les écoles, 190 dans les trois cimetières de la ville, environ 500 sur les talus et terrains rustiques…

Le patrimoine arboré de Suresnes est estimé à plus de 6000 arbres disséminés sur le domaine public dont l’entretien incombe au service Parcs et jardins de la Ville. La promenade autour du mont Valérien est, quant à elle, du ressort du ministère de la Défense et du Conseil départemental.

Un patrimoine arboré qui vit et meurt, peut aussi être sujet à maladie, comme tout être vivant, et nécessite surveillance, arrosage, abattages, essouchages, tailles et élagages, plantations, replantations…

Sondes

La technologie vient aujourd’hui en aide aux jardiniers. Des sondes placées à différentes profondeurs au pied d’arbres récemment plantés dans 5 secteurs de Suresnes, collectent des données dont l’analyse informatique en temps réel permet d’adapter l’approche de l’arrosage et de l’entretien.

« On ne peut pas savoir en surface si un arbre a assez d’eau ou pas. Pour une plante, on le voit tout de suite au niveau de son feuillage qui réagit rapidement. Mais il y a un temps beaucoup plus long entre le moment où un arbre est en stress hydrique et celui où on commence à en percevoir les signes extérieurs. Nous n’avons pas eu de perte du tout sur les nouvelles plantations depuis que nous avons mis en place ce suivi informatique par sondes. Cela améliore la santé des plantes et favorise une meilleure gestion des interventions des équipes et de la consommation d’eau », annonce Thierry Giard.

Tous les arbres sont géolocalisés et inventoriés sur le système d’information géographique de la Ville : variété, genre, type, espèce, hauteur, port libre ou port taillé, caduc ou persistant…

« C’est un outil de gestion indispensable car on ne gère pas un arbre en ville comme on le gère en forêt. Il faut le sécuriser et le renouveler plus souvent. La fin de vie d’un arbre planté en accompagnement de voirie n’est pas la même que dans un parc ou en forêt et son espérance de vie est moindre », assure Thierry Giard qui dirige le service Parcs et jardins, dont 20 personnes sur le terrain été comme hiver.

« Gérer le patrimoine arboré d’une ville, c’est d’abord s’occuper des arbres existants, et planifier les plantations et replantations sur plusieurs années, en tenant compte des endroits où on peut planter et de ceux où l’on n’a pas la profondeur suffisante en raison des réseaux souterrains (électricité, eau, gaz, fibre…) trop proches », complète Stéphane Perrin-Bidan, adjoint au maire délégué à la Qualité de l’environnement et aux Parcs et jardins.

Savoir planter les arbres

En moyenne, il faut compter 2500 euros pour l’achat de l’arbre, la réalisation de sa fosse d’implantation et son entretien pendant les deux premières années, auxquels s’ajoutent l’enlèvement éventuel et le dessouchage de l’arbre mort qu’il remplace. Les pratiques évoluent pour s’assurer les meilleures chances de succès d’implantation.

La Ville achète des arbres dits « transplantés », que le pépiniériste a déplacés régulièrement durant leur croissance. Tous les 2 ans, il les a retaillés, en a coupé les racines  t les a replantés à un endroit différent. «Ils ont déjà été déplacés 6 fois quand nous les achetons, » affirme le chef du service Parcs et jardins. « Lorsqu’on les implante à Suresnes, ces arbres ont déjà été habitués à être transplantés et leur densité de racines leur permet de mieux redémarrer. » On leur prépare une fosse de taille conséquente avec un support assez léger, non compacté, qui permet au système racinaire de se développer plus facilement, comme avenue Stresemann, un mélange terre-pierre pour que l’eau puisse circuler et que la racine descende, évitant à la voirie de pâtir dans le futur de déformations liées aux racines de surface. Un guide racinaire installé dans la fosse vient guider les racines vers le bas.

Veille phytosanitaire

L’organisation doit s’adapter au réchauffement climatique. « Il faut désormais arroser de mai à septembre », constate Thierry Giard. Et un arbre peut consommer jusqu’à 200 litres par semaine, l’eau de pluie ne suffit pas. Pour limiter la consommation d’eau, la Ville choisit des variétés d’arbres qui vont chercher l’eau en profondeur et nécessitent moins d’arrosage. « Ils se développent naturellement et se régulent eux-mêmes en cas de chaleur, quitte à perdre un peu de feuilles pour consommer moins d’eau » explique Thierry Giard.

« Les arbres deviennent aussi plus fragiles », s’inquiète Stéphane Perrin-Bidan, « à cause du réchauffement climatique, la période de dormance hivernale qui autrefois débutait en décembre est raccourcie ou inexistante et les arbres n’ont plus de cycle de repos. Certains n’ont pas perdu leurs feuilles cet hiver et d’autres fleurissent précocement en ce moment. Cela nous impose une veille phytosanitaire toujours plus poussée ».

 

Repères

◗ 379 hectares (3.79 km2) : superficie de Suresnes, dont 139 hectares d’espaces verts (42 hectares de parcs et jardins publics, hors Mont-Valérien militaire).
◗ Plus de 7000 arbres sur l’espace public.
◗ 68 variétés d’arbres différentes.
◗ Des espaces boisés classés : le parc du château, le parc du mont-Valérien, le square Léon Bourgeois et la vigne municipale sont des espaces boisés classés. Ce classement y interdit tout changement d’affectation ou tout mode d’occupation du sol compromettant la conservation des boisements. Ces espaces sont inconstructibles.

Fleurs de trottoir, rue de la Liberté

Qui, découvrant les roses trémières poussant le long des ruelles de l’île de Ré ou d’Oléron, ne s’est pas senti une âme de poète ou laissé tenter par une photo « carte postale » ? Ces touches de couleur jaillissant du bitume ne sont plus réservées aux seuls villages pittoresques. Ainsi, Rennes a-t-elle lancé l’opération « Jardiner ma rue », invitant les habitants à végétaliser l’espace public. Des plantations florales sont aussi apparues à Lyon, Tours, Montreuil, Bordeaux, Dijon, Grenoble…
À Suresnes, c’est la rue de la Liberté qui a semé en début d’année les premières graines d’une expérience de fleurissement participatif à l’initiative de Stéphane Perrin-Bidan.

« La réfection totale de la voirie et des trottoirs sur le tronçon de la rue de la Liberté situé entre la route des Fusillés de la Résistance et la rue des Parigots, a permis de créer plus de 100 m2 de jardinières. Les services de la Ville en assureront la plantation et l’entretien », explique Thierry Giard, le chef  du service Parcs et jardins. Parallèlement, les 80 riverains ont été informés que la ville souhaitait lancer et leur proposer une expérience de « fleurs de trottoir », une première pour Suresnes.

Jardiner devant sa porte

« On a incisé l’enrobé du trottoir sur une bande de 10 cm de largeur sur 0,50 à 1,50 m de long au pied des façades et des murs de clôture et nous avons ajouté un peu de terre. Dès lors il appartient aux riverains de semer ou planter, d’entretenir et d’arroser », complète Thierry Giard.

Tous les « volontaires » n’ont pu être satisfaits, la largeur du trottoir devant être supérieure à 1,40 m et les plantations ne pas présenter d’inconvénient pour les réseaux enfouis (eau, électricité, gaz, fibre…).

« Je trouvais intéressant d’avoir une participation au fleurissement de la rue de la part des riverains et l’idée a eu le soutien du CCQ et de l’association ÉcoQuartier Liberté Mont-Valérien », se réjouit Stéphane Perrin-Bidan, adjoint au maire et président du CCQ Liberté. Bien sûr, les jardiniers de la Ville ont déconseillé les rosiers et autres épineux et suggéré des plantes montantes (rose trémière) ou grimpantes (clématite). « Elles créent du dialogue entre voisins, changent notre regard sur les « herbes folles » qui poussent ça et là depuis que la Ville n’utilise plus (2005) les désherbants chimiques, et apportent un peu de poésie et de nature », soutient Stéphane Perrin-Bidan, persuadé que cette première de la rue de la Liberté trouvera écho dans d’autres quartiers.

 

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