En 1941, à Jedwabne, les Juifs sont massacrés par les villageois, leurs voisins, leurs copains d’avant…
Une tragédie que Tadeusz Slobodzianek retrace en « 14 leçons », à travers l’histoire de ces dix enfants, des bancs de l’école à nos jours. Partagé entre colère et ironie, l’auteur de Notre Classe interroge les rapports ténus qui peuvent faire basculer de l’amitié à la folie d’un meurtre collectif.
Un texte puissant, inspiré, en 2010, par les révélations de survivants qui attribuent aux Polonais des crimes jusque là imputés aux nazis. Un témoignage engagé qui dénonce l’horreur que la Pologne d’aujourd’hui veut nier. Et un cri d’alerte, en forme de poème choral, parce que l’histoire de ce village résonne avec l’actualité : celle du pays où la parole antisémite et négationniste se libère, celle du monde déchiré par les adversités communautaires. « Cela se passe en Pologne, commente la metteure en scène Justine Wojtyniak, c’est-à-dire nulle part et partout ».
Sur scène, le choeur des écoliers se désagrège à mesure que divergent les orientations religieuses, politiques ou sociales. Jusqu’à l’irréparable. Dès lors, se côtoient sur le plateau les vivants et les morts. Ceux là n’ont plus de mots pour exprimer leur douleur, alors la musique prend le relais. « Une musique qui n’a plus de larmes », décrypte le compositeur. Une autre voix, qui passe par les cuivres, les cordes, les percussions et ravive la mémoire des bourreaux.
Les vivants peuvent bien continuer de parler, d’exister, les fantômes les empêchent d’oublier. En 2010, Notre Classe a reçu le prix Nike, la distinction littéraire la plus prestigieuse de Pologne.
12, 13, 14 et 15 mars à 21h
L’ECLAIRAGE DE JUSTINE WOJTYNIAK
➜ Une urgence personnelle
Au-delà des raisons artistiques, une vocation tout à fait personnelle et intime m’a amenée à créer ce spectacle. Ayant vécu en Pologne jusqu’à l’âge de 24 ans, j’ai subi le silence au sujet des Juifs disparus, silence imposé par le pouvoir officiel, entretenu comme un tabou au sein de ma famille, de l’école, de la société. Ce travail théâtral guérit cette blessure.
➜ Faire jouer les morts
Il faut inventer de nouveaux outils, mettre l’acteur à l’endroit de l’incertitude quant à son savoir faire, sur le seuil du vivant et du mort. Lui donner comme modèle… le Revenant.
Il ne peut donc pas jouer à proprement parler mais doit se tenir là sur ce seuil, traversé par une parole étrangère à lui-même, chuchotée à son oreille par son double, son fantôme.
➜ La musique au lieu des larmes
Dans la tragédie grecque quand l’émotion est trop grande, les voix se transforment en musique. Les personnages morts de Notre Classe restent sur scène et hantent la mémoire des vivants. Afin de souligner leur dérangeante présence, nous avons décidé de leur donner une autre voix – celle de la musique.
Dans le cadre des représentations de Notre Classe, le Théâtre Jean Vilar propose une visite du Mémorial du Mont-Valérien où, de 1941 à 1945, plus de mille résistants ont été fusillés par les nazis. À l’issue de la visite, les participants pourront rencontrer la metteure en scène pour un échange informel. Samedi 16 mars à 15h