L’attentat terroriste du 13 novembre 2015 au Bataclan a coûté la vie à 90 personnes qui étaient venues écouter de la musique. Parmi les victimes, Cécile Misse, chargée de production au théâtre de Suresnes.
Cinq ans après, le théâtre se souvient d’elle et de tous ceux assassinés ce jour-là. Le reconfinement a entraîné le report des spectacles prévus, mais nous maintenons la présentation de ces hommages artistiques.
Pour rendre hommage à la jeunesse assassinée au Bataclan, le théâtre de Suresnes Jean Vilar avait choisi la création chorégraphique de Michel Kelemenis. Les sept interprètes de Coup de grâce s’abandonnent à la musique (signée Angelos Liaros-Copola), heureux et insouciants. Lorsque la mort investit les lieux, ils se transforment en étranges gisants et composent des tableaux vivants. Michel Kelemenis propose dans ce spectacle (qui devrait être reporté) sa version de la grâce pour tenter de conjurer l’horreur.
Avec Révérence, sous la direction du chef américain Vassily Sinaisky, l’Orchestre national d’Ile-de-France fait vibrer les cordes et les âmes sensibles, provoquant la réunion inédite de réflexions symphoniques et métaphysiques de trois compositeurs virtuoses. En 1888, Gustav Mahler compose Totenfeier, une « Fête des morts » inspirée d’un poème épique de l’écrivain Adam Mickiewicz. A travers les sanglots de l’orchestre, on entend la fin de l’innocence, et l’audace d’un musicien qui se lance à corps perdu dans une marche funèbre sans issue.
A la même époque, Richard Strauss entreprend la composition de son poème symphonique Mort et transfiguration, lettre bouleversante évoquant les dernières pensées d’un homme au seuil de la mort, de l’agonie à la délivrance.
Serge Rachmaninov, dans ses Danses symphoniques, explore les trois étapes de l’existence : Jour, Crépuscule et Minuit.
Coup de Grâce
Danse.
Chorégraphie de Michel Kelemenis, musique de Angelos Liaros-Copola.
Révérence
Musique classique / opéra.
Orchestre national d’Ile-de-France. Direction Vassily Sinaiski.
« Dire notre dignité et notre humanité »
OLIVIER MEYER, directeur du théâtre de Suresnes Jean Vilar
S.M. : Pourquoi organiser cet hommage à Cécile Misse et aux victimes des attentats du 13 novembre 2015 ? Olivier Meyer : Le théâtre a été frappé de plein fouet par ce drame. Cécile Misse, notre chargée de production, est morte ainsi que son amoureux ce soir-là. Elle avait 32 ans, faisait très bien son travail de chargée de production et avait un merveilleux sourire qui disait toute sa joie de vivre. Toute l’équipe aimait Cécile. Elle faisait partie de la famille. Nous avons continué sans elle à faire vivre le théâtre, mais elle est avec nous pour toujours. Nous ne l’oublierons jamais. Pour nous souvenir, j’ai voulu organiser un hommage sans mots avec la seule force d’expression de productions bouleversantes de danse et de musique.
S.M. : Pourquoi avez-vous choisi le spectacle de Michel Kelemenis et les trois compositions de Révérence ? O.M. : Le spectacle de Michel Kelemenis « Coup de grâce » touche droit au coeur, sans pathos, et rend hommage à cette jeunesse assassinée. Les mesures sanitaires nous avaient d’abord contraints à décaler la représentation au samedi 14 novembre. Elle est désormais impossible. Nous espérons donc reporter ce spectacle la saison prochaine. La conférence témoignage prévue l’après-midi, et qui n’était pas encore annoncée, avec des intellectuels, philosophes, journalistes, artistes, ne peut pas avoir lieu mais est reportée à 2021. Nous la maintenons car il est important de réfléchir sur ce qui s’est passé, de poser la question de savoir comment on en est arrivé là et comment faire pour que cela n’arrive plus. Le dimanche 15 novembre, l’orchestre national d’Île-de-France, en nous proposant trois compositions géniales de Mahler, Richard Strauss et Rachmaninov, nous aurait invités à un voyage vertigineux entre l’ici et l’au-delà, notamment avec ce chef-d’oeuvre absolu des derniers lieder de Strauss. Cet hommage en musique et danse ne peut hélas avoir lieu comme nous le souhaitions mais nous ne manquerons pas de porter cela dans notre coeur cette année et de partager ce souvenir à travers de futures programmations.
S.M. : Que faisiez-vous ce soir-là et comment avez-vous vécu cette soirée et les jours suivants ? O.M. : Ce soir-là, j’étais au théâtre de Chaillot. Je sors du spectacle, il est 23 heures et j’apprends l’horreur. Peu de temps après j’apprends que Cécile Misse était au Bataclan. J’ai cru jusqu’au lendemain soir que si elle ne répondait pas, c’est qu’elle était blessée, toujours vivante, en train de se faire soigner dans un hôpital. Les jours qui ont suivis ont été marqués comme vous pouvez l’imaginer par une grande tristesse, par une grande émotion.
S.M. : 5 ans après, quelles émotions ressentez-vous en pensant au 13 novembre 2015 ? O.M. : À l’accueil du théâtre, nous avons une plante qui grandit lentement mais sûrement depuis cinq ans et que Caryne arrose régulièrement. Nous n’oublierons jamais Cécile. Elle est source de vie. Elle nous inspire pour combattre avec les armes du théâtre, les ennemis de la liberté et la fraternité. Avouez que c’est d’une grande actualité et d’une grande nécessité. L’art et la culture, avec l’éducation sont les chemins indispensables pour vivre mieux, pour vivre pleinement. Pas inutile, ne croyez-vous pas ?
LE THÉÂTRE JEAN VILAR S’ADAPTE UNE NOUVELLE FOIS
Les nouvelles mesures sanitaires ont contraint le Théâtre de Suresnes Jean Vilar à annuler les représentations jusqu’au 1er décembre.
Ses équipes, qui, après l’instauration d’un couvre-feu, avaient réussi à maintenir tous les spectacles de novembre en modifiant leurs horaires, se sont une nouvelle fois mobilisées pour s’adapter à la situation.
Le Théâtre, en concertation avec les artistes et compagnies, met tout en place pour envisager des reports au premier semestre 2021 ou à la saison prochaine.
La billetterie est joignable par mail :
reservation@theatre-suresnes.fr
et par téléphone : 01 46 97 98 10
(du mardi au samedi, de 13h à 19h)
Les spectateurs seront informés des reports et annulations par mail ainsi que sur le site theatre-suresnes.fr et sur les réseaux sociaux et ils continueront à l’être régulièrement.