Les petits gâteaux, les goûters, le quatre heures, autant de mots qui renvoient à l’enfance, à la boîte en fer blanc joliment illustrée. Une marque renaissante a connu ses grandes heures à Suresnes, les biscuits Olibet. L’usine Olibet est l’une des premières industries à s’installer à Suresnes en 1879.
La ville connaît un bouleversement économique et démographique. Les teintureries-blanchisseries qui forment le cœur de l’activité sont en recul, la révolution industrielle transforme l’ensemble du territoire. La fabrique, l’ouvrier, la machine et le nouvel ordre social s’imposent. Sur ces terrains près de Paris il y a la place pour de nouvelles activités économiques et la production de masse.
En 1840, Jean-Honoré Olibet n’est qu’un petit producteur de biscuits secs installé dans le quartier Saint-Pierre à Bordeaux. Le biscuit est une formidable invention culinaire qui nourrit le marin et le soldat, car il se conserve longtemps. Mais, il peine à dépasser cet utilitarisme. Olibet, lui, fabrique des biscuits fantaisie qui séduisent la clientèle bordelaise.
Fabrication en série
En 1860, le fils Eugène rentre d’Angleterre et convainc son père de se lancer dans la fabrication en série des friandises en important des machines-outils d’Outre-Manche. La fabrique bordelaise devient trop petite, une usine est construite à Talence en 1872. L’idée des Olibet consiste à créer des biscuits de bonne qualité, accessibles et présentés dans des boîtes très décorées.
Le biscuit devient un plaisir dans un emballage évoquant un environnement luxueux. Olibet devient le pionnier du biscuit avec ses « demilune », « Lux », « Prime-thé » et « Petit-beurre. » La publicité, la « réclame » selon la formule del’époque, a un rôle à jouer : la marque revendique son statut de « biscuit français » qui a « affranchi notre pays du monopole étranger». En clair, boutons le british biscuit hors de France !
1879, c’est l’arrivée à Suresnes. Les biscuits Olibet entendent conquérir le marché national, réduire les coûts de transport et accoler à leur marque un nom qui fait rêver : Paris. C’est ainsi que, contrairement à ses concurrents, notamment le Nantais Lefèvre-Utile (LU), Olibet s’affranchit d’une image provinciale et devient « Olibet-Paris, 1re marque française ! ».
La guerre des biscuits
Le procédé de chromolithographie, l’impression d’images en couleurs à grande échelle, provoque une avalanche de publicités sur les boîtes, sur les affiches, dans les journaux. La lutte est féroce entre les différents fabricants, Olibet revendique la paternité du nom « petit-beurre » en 1887 et attaque LU. Le tribunal tranche en 1891 et estime que « petit beurre » appartient à tout le monde. On se déchire à coup de slogans, de revendications patriotiques, d’affirmations plus ou moins avérées. C’est la guerre des biscuits !
L’usine de Suresnes est visible de loin avec ses deux cheminées de 40 mètres de haut qui dominent la Seine et toisent le paysage de plus en plus industriel (dans l’actuelle rue des Fusillés de la Résistance). Le bruit des machines à vapeur est assourdissant. Tout au long de la journée de travail, douze heures, les produits sortent du laboratoire : amandes pilées, pâtes, sucre… Puis ils sont mélangés, cuits et laminés avant d’être emballés. La chaleur et la vapeur règnent en maîtres, les accidents sont fréquents.
Dans les ateliers de glaçage, les ouvrières sucrent et donnent aux biscuits leurs derniers atours. Puis c’est l’emballage, le dernier coup de tampon sur la belle boîte avant d’être emmenés sur le quai de chargement. C’est le détaillant qui prendra la suite à Paris, Lille ou ailleurs. A son apogée l’usine suresnoise emploie 650 personnes.
L’aventure prend fin en 1938 pour Suresnes. L’usine est fermée, cède la place à la métallurgie. Olibet survit tant bien que mal, victime d’un marché de plus en plus concurrentiel et de l’irruption de la grande distribution. Mise en faillite en 1977, Olibet est rachetée puis disparaît en 2012… Avant une renaissance autant familiale qu’inespérée en 2022, depuis le fief de Bordeaux… pour l’instant.