Les pionniers du sport suresnois

septembre 2019

L’Espérance de Suresnes, les Touristes de Suresnes et les White Harriers furent les premiers clubs sportifs de la ville au début du XXe siècle quand la pratique née en Angleterre gagnait les sociétés occidentales. Dans l’entre-deux-guerres, le sport se démocratisa, devenant un élément de culture et de santé populaire.

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On peut reprocher beaucoup de choses aux Grands-Bretons, mais force est de constater que leur œuvre dans le domaine du sport est incontestable. Parti de leurs collèges, le fait de suer pour le plaisir fit rapidement école sur le continent. À partir de la fin du XIXe siècle, le sport étend son empire et Suresnes est touchée. Le sport y fut logiquement d’abord nautique. Comme dans toutes les communes au bord de l’eau, le jeu de joute était très populaire. Il permettait aux villages voisins de s’affronter. Juchés sur le ponton d’une grande barque, les combattants cherchaient à flanquer à l’eau l’adversaire en plantant une lance dans le bouclier d’en face. La compétition était rythmée par les sonneries de trompe et les cris de la foule. Cela tenait plus de la kermesse que du sport. En 1888 naît l’Espérance de Suresnes, la plus ancienne société sportive à notre connaissance. Son nom sonne comme un défi, car l’espérance est tournée vers l’Alsace et la Lorraine, ces provinces volées par l’Allemagne lors de la guerre de 1870. C’est avec l’espoir de reprendre ces terres que se créent des sociétés sportives désireuses de former à la revanche les Français. Exercices et discipline militaires, sous couvert de sport on prépare le soldat de demain. L’Espérance, société omnisports, devient un club de tir sportif et reste aujourd’hui un fleuron du sport suresnois.

* Terrains de jeux et de sports

 

Maillot, flottant et béret basque

Et la sacro-sainte gymnastique ? Elle est l’apanage des « Touristes de Suresnes ». Fondée en 1902 par un Monsieur Hacquin, elle renoue avec la tradition gréco-romaine du « mens sana in corpore sano » (un esprit sain dans un corps sain). Ses membres posent chaque année fièrement sur le perron de la mairie en maillot de corps, flottant de sport (on ne disait pas jogging) et béret basque. En 1933, un étonnant dessin humoristique nous montre le maire Henri Sellier avec un maillot frappé du sigle du « Zanzibar Athletic Club » Suresnois aussi mystérieux qu’improbable. On ne jogge pas encore, mais on court, on saute en hauteur et en longueur… C’est un club au nom étonnant qui se crée en 1908 : Les White Harriers (les lévriers blancs). L’Anglais est à la mode, un an auparavant la visite du roi à Paris et la célébration de l’Entente cordiale ont fait passer la Grande-Bretagne du statut de perfide Albion à celui d’alliée à la vie à la mort. Deux britanniques, Paul Finch et William Herring créent ce club omnisports tourné vers l’athlétisme qui envahit les terrains vagues et tente de concurrencer les voisins du Stade Français et du Racing Club de France. À partir des années 1920, les WH se fixent à Suresnes et courent toujours. Ces lévriers sont d’ailleurs à l’origine de la section rugby : d’abord scolaire dans les années 40, le rugby fut repris par les WH avant que la section ne vole de ses propres ailes en 1973. C’est le Rugby club suresnois où l’on passe de l’école de rugby à la Fédérale 1. Son président d’honneur est un certain commissaire Robert Broussard qui plaquait les voyous et savait courir après les balles. Le RCS a hérité des couleurs des Lévriers blancs, le vert et le blanc.

* Equipes de l’Université de Cambridge et d’Oxford (1937)

 

Le sport se démocratise

Et le foot ? Bien qu’imparfait puisque rond, le ballon de cuir s’est implanté à Suresnes avec les White Harriers qui avaient une section football. Mais c’est en 1936 que se crée la JSS : la Jeunesse sportive suresnoise. Lassés d’être une section mineure des WH où l’athlétisme est roi, des transfuges du club créent une véritable entité footbalistique qui s’obstine à ne frapper le ballon qu’avec le pied. Le sport s’est démocratisé et développé durant l’entre-deux-guerres. Le maire emblématique Henri Sellier y voyait un élément de culture, populaire, accessible à tous et de renforcement de la santé. Dès son premier mandat, il fait construire un gymnase, il développe la pratique du sport dans les écoles, imagine une piscine, un grand complexe sportif au sein de la Cité-jardins. En fait de piscine, dans les années 30 on se baigne dans la Seine et le bassin est matérialisé par des bouées. A moins qu’une péniche ne fasse office de bassin plus ou moins olympique. En point d’orgue de ces années là figure bien évidemment la course Oxford-Cambridge en aviron qui délaissa les eaux anglaises pour venir à Suresnes en 1937. Il faut regarder l’air altier, la moustache fière et les sobres tenues de ces pionniers du sport, ils sont les ancêtres de nos athlètes en tenues moulantes aux couleurs éclatantes.

*Affiche et billet pour la course Oxford-Cambridge en 1937.

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Perfide morsure

 

En 1924, aux jeux Olympiques de Paris, le favori de la catégorie des poids moyens est Roger Brousse. Ce boxeur est Suresnois, licencié au sein du club omnisports les Touristes de Suresnes. En quart de finale, au Vélodrome d’Hiver de Paris, il affronte Harry Mallin, un Anglais. À l’issue du combat, Brousse est déclaré vainqueur. Mais l’Anglais appelle l’arbitre, soulève son maillot et lui montre une belle trace de morsure ! Les juges autant impartiaux que Britanniques s’empressent de qualifier le constat de « shocking » et disqualifient Roger Brousse. Le boxeur jure qu’il n’a jamais mordu personne, et surtout pas son adversaire. Dans un Vel d’Hiv en feu, il est porté en triomphe par ses soigneurs et les autres boxeurs de l’équipe de France. La police doit intervenir sous les huées de la foule et frappe le clan français à coups de bâtons blancs. En 1948, un journaliste français croise Mallin alors entraîneur. Celui-ci évoque la rue Blondel et une folle nuit passée avec une prostituée à la veille du match contre Brousse. Pour le journaliste pas de doute : la trace de morsure était due aux dents de la dame et non à celle de Roger Brousse. Mallin avait triché. La preuve de l’ignominie anglaise éclate une fois de plus, mais que pouvait-on attendre d’un boxeur nommé Mallin hormis qu’il fasse le mal ? Honni soit qui mal y pense !

19 juillet 1924 : le jour où…

La savate de Suresnes en démonstration.

Cent ans avant les JO qu’accueillera Paris en 2024, une première olympiade eu lieu dans la capitale. Si la boxe anglaise était déjà discipline olympique, il n’en fut pas de même de la boxe française dite également « la savate ». Or, depuis le début du siècle la savate est très populaire et supplante l’Anglaise dans les clubs de boxe. Il est alors décidé de faire une démonstration de boxe française durant ces JO. Et le grand maître de ce sport, Charles Charlemont décide que les boxeurs qui participeront à cette épreuve sans médailles seront issus de Belgique, de l’académie Charlemont de Paris (évidemment), et de la salle Haquin à Suresnes. Le 19 juillet, le Vélodrome d’Hiver vit donc l’unique démonstration en dix assauts de l’histoire des JO opposant Suresnes, Paris et la Belgique ! Un assaut de cannes de combat a même clôt la séance.

 

Réalisé avec le concours de la Société d’histoire de Suresnes.

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