Les invasions vikings à l’origine de la naissance de Suresnes ?

janvier 2020

Les redoutables guerriers nordiques n’ont probablement jamais mis les pieds à Suresnes. Mais l’on doit sa première mention à la charte de 884 par laquelle Karloman II, roi des Francs octroyait un vaste territoire à L’abbaye de la Croix-Saint-Leufroy. Or celle-ci ayant été ravagée par les vikings, c’est finalement à l’abbaye de Saint-Germain que fut attribuée « Surisnas ».

Texte : Matthieu Frachon

L’époque antique se termine, le royaume de France est en train de naître. Paris s’étend, et Suresnes entre dans l’Histoire. Les temps sont troublés, les envahisseurs viennent piller le pays, l’anarchie règne combattue tant bien que mal par l’Église et le pouvoir royal. Ainsi naquit Suresnes. L’archéologie, fut-elle accidentelle, permet parfois de résoudre certains mystères. Mais le plus souvent elle est une source d’interrogation.

Ainsi les quelques découvertes faites sur le site de Suresnes ne permettent pas d’imaginer un passé gallo-romain à la cité. Quelques vestiges gaulois laissent à penser qu’une tribu a résidé au mont Valérien, lieu déjà stratégique. Ensuite une garnison romaine a sans doute occupé le mont, et quelques gallo-romains ont vécu sur le site actuel de la ville.

Mais le grand centre à l’extérieur de Lutèce est à cette époque Nanterre, plus importante place après la grande ville et lieu d’origine de la tribu gauloise des Parisii (ancêtres de nos Parisiens). Sous les Romains, Suresnes était trop à l’écart des voies de circulation et le site ne représentait rien commercialement même s’il était proche du fleuve.

En 1885 des terrassiers qui travaillaient à la construction du chemin de fer mirent à jour quinze cercueils de plâtre datant de l’époque des Francs, vers le Ve siècle. Les prémices de Suresnes ? Difficile à affirmer, c’est l’époque des invasions des armées franques, et le mont Valérien est un poste idéal pour surveiller la vallée de la Seine.

Un village de l’époque carolingienne

Pour autant, on ne peut considérer qu’un véritable village y fut bâti. En fait, il paraît quasi-certain, sous réserve qu’une fabuleuse découverte ne nous contredise, que Suresnes fut un village tardif et spontané qui naquit à l’époque carolingienne. D’ailleurs notre seule certitude date de la fin du IXe siècle. La première mention de Surisna (Suresnes) est faite dans la charte qu’édite Karloman II, roi des Francs en 884.

Surisnae, Surisna ou Surisnas, est une partie du vaste  domaine donné par le roi à l’abbaye de la Croix-Saint-Leufroy située au bord de l’Eure près d’Évreux, ainsi que l’édicte cettecharte. Donc, Suresnes est un peu normande, pourrait-on en conclure… Mais non, car la donation de Karloman II fut sans effet ! Primo car le roi meurt l’année même où il promulgue cette charte, et secundo parce que les guerriers vikings s’en sont mêlés.

En cette fin du Xe siècle, les hommes du nord, les Nord-mens, avaient l’habitude de remonter la Seine avec leurs drakkars. Ils semaient la terreur  et la désolation tout au long de leur périple, de l’embouchure du fleuve jusqu’à Paris. L’abbaye de la Croix-Saint-Leufroy était sur leur route. Les moines rassemblèrent leurs reliques, les trésors dont ils assuraient la garde, et abandonnèrent le terrain aux barbares.

Les moines se font germanopratins

Ils trouvèrent asile au sein d’une autre communauté monastique, l’abbaye de Saint-Germain-des-Prés fondéeen 542. Les moines de Saint Leufroy se firent germanopratins, leur abbaye ayant disparu dans le raid viking.

Saint Leufroy n’est plus, vive Saint Germain ! Le roi Charles III le Simple édite le 14 mai 918 une nouvelle charte qui octroie à l’abbaye de Saint Germain la propriété du « domaine qui sis dans le Parisis est appelé Surisnas dans toute sa totalité». Cette action est dictée par Robert , le frère du comte de Paris à qui Charles doit sa couronne.

Robert est à cette époque l’abbé de l’abbaye de Saint-Germain, un personnage puissant à qui le roi ne pouvait rien refuser (et qui deviendra lui-même roi de Francie occidentale en 922). Donc Suresnes naît ! Grâce aux Vikings qui devinrent Normands lorsque le roi leur donna la province pour qu’ils cessent leurs raids.

Mais posons-nous la question linguistique : de quoi Suresnes est le nom ? Surisna est un mot celte, le suffixe na démontre qu’il s’agit d’un mot hydronyme, qui se rapporte à l’eau, comme Sequana (la Seine). Surisna, c’est la Source en référence à celles qui jaillissaient sur les flancs du mont Valérien.

Suresnes va donc se développer à partir de ce domaine de 300 hectares à peine. En 1070 est fondée la paroisse de Suresnes, une petite chapelle consacrée au culte de Saint Leufroy reçut en 1222 une partie des reliques du saint. Elle fut détruite durant les guerres de religion en 1590. Quant aux terres, elles se développèrent autour de la vigne et de la réputation du bon vin de Suresnes. L’Histoire était en marche et elle ne s’arrête pas là !

Les tribulations des reliques de Saint Leufroy

Après avoir failli tomber aux mains des vikings lors de la destruction de l’Abbaye (lire ci-contre), les restes du saint homme furent transférés d’abord à Saint-Germain puis ensuite, « petit à petit » à Suresnes. Côte et os d’une jambe, furent brûlés en 1590 durant les guerres de religion. On octroya de nouvelles reliques à Suresnes. Mais la Révolution arriva et tout fut dispersé. Un vigneron aurait construit une cage à lapin avec la châsse ayant contenu les restes du saint. Quelques fragments d’os furent récupérés et mis en lieu sûr, mais leur authenticité est douteuse et il semble que les Suresnois aient perdu les restes de leur saint patron !

18 décembre 1882 : le jour où… la cartoucherie explosa

Au sein de la forteresse du Mont-Valérien, une cartoucherie est implantée. Cet atelier recycle et détruit les munitions impropres au service. Deux accidents ont eu lieu en 1870 et 1873, poussant les autorités à recommander l’arrêt du recyclage des cartouches et leur destruction par noyade. Mais cette préconisation reste lettre morte.

Le 18 décembre 1882, 23 ouvrières travaillent dans les bâtiments de la cartoucherie, des baraques de bois. Elles ont pour mission de « décartoucher » les munitions pour en récupérer le salpêtre. L’opération est délicate, dangereuse, si l’amorce est touchée elle peut enflammer le reste de poudre.

À 14 h 45, le drame se produit. Une jeune ouvrière nommée Galette, 19 ans, déclenche l’inflammation d’une cartouche, elle la lance au loin dans un baquet qui devait contenir de l’eau. Hélas les ouvriers qui devaient approvisionner en eau l’atelier ne sont pas venus et les résidus de poudre s’embrasent.

L’explosion est terrible et le drame total. Les vêtements des ouvrières imprégnés de poudre s’enflamment. De toutes parts les secours se précipitent. L’incendie est maîtrisé mais 25 victimes effroyablement brûlées sont dirigées vers les hôpitaux. Dix-sept ne survivront pas : 16 ouvrières à 2 francs par jour et un sous-officier. Le drame provoque une vive émotion et un élan de solidarité important envers les familles des malheureuses qui risquaient la misère !

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