LES 7 MAIRIES DE SURESNES

mars 2020

Elles sont le symbole de la démocratie locale et des libertés communales. Mais de la maison du premier maire de Suresnes à l’actuel bâtiment inauguré en 1889, en passant par un presbytère ou la maison Fizeau, les mairies de Suresnes ont connu une destinée itinérante, été parfois délocalisées au gré de l’histoire et ont très souvent manqué de place.
Texte : Matthieu Frachon. Photos : MUS/Archives municipales

En cette année 2020, cela fait 230 ans que la première mairie de Suresnes a été pourvue d’un bâtiment. Une petite étude de l’histoire de cette institution de la Révolution jusqu’à aujourd’hui s’imposait tout naturellement (*). La Révolution n’a pas seulement bouleversé l’Histoire, elle a marqué de son empreinte notre PAF (Paysage administratif français). Si le Roi Louis XVI crée en juin 1787 les premières assemblées communales, la République les entérine et substitue à la fonction de « syndic communal », celle de « maire ». Le premier maire de Suresnes est François Bougault (1743 1809), élu syndic en 1787, réélu maire en 1790.

Cette année-là, un document fait mention de l’endroit où se réunit le conseil communal, la propre maison du maire au coin de la rue Émile Zola et de la place Henri IV. En 1792, Bougault se retire et il faut trouver un nouveau lieu.

La mairie sert d’école
La localisation de cette mairie numéro 2 est assez vague, « flottante ». Les réunions du conseil changent de lieu au gré des circonstances. En 1794, un procès-verbal confirme le caractère « sans domicile fixe » de la municipalité qui « se trouvait obligée de changer de logement d’année en année » (sic). À la fin de cette année, la municipalité obtient enfin la jouissance du presbytère. Mais en 1795, le cycle de cette mairie 3 s’achève : le directoire supprime les municipalités qu’il remplace par des conseils cantonaux. La liberté du culte rétablie par le Consulat redonne au curé son presbytère.

Et se profile la quatrième mairie, qui sert aussi d’école. On en trouve trace dans une lettre de 1817. Elle est située au lieu-dit « La Fouillée » (un ancien cimetière). Très vite le bâtiment s’avère trop petit : les salles d’école sont au rez-de-chaussée, la salle du conseil au premier. Une pièce tout-en-un : on s’y réunit, on y célèbre les mariages et on y entasse les archives ! Il y a même un minuscule corps de garde et un placard qui sert de prison ! Tout cela nous amène pourtant en 1833 où il est décidé d’agrandir la petite mairie-école-prison-poste de garde. Mais ce n’est qu’un pis-aller et plus ça va, moins ça va ! Re-travaux en 1844, l’extension du domaine municipal reste limitée mais notons que Monsieur le Maire a enfin son propre bureau.

Odeur de vinasse
Cela ne peut plus durer et le 10 mars 1855 le conseil municipal vote l’achat d’une maison qui deviendra la cinquième mairie de Suresnes.

La maison Fizeau réaménagée en mairie

Ce n’est pas un édifice ordinaire qu’acquiert la municipalité. Il s’agit ni plus ni moins que de la « maison Fizeau », celle là-même où le physicien Hippolyte Fizeau calcula la vitesse de la lumière en mesurant un rayon lumineux envoyé vers Montmartre. L’affaire faillit capoter car la mairie rechigna à payer la famille Fizeau.

Mais l’Histoire est un éternel recommencement : moins de dix ans après, la mairie numéro cinq se révèle encore trop petite. Le bureau du maire ne permet pas de recevoir plus de deux personnes, il faut construire une annexe. La mairie sent parfois la vinasse car elle est adossée à un pressoir fort actif. Elle est toutefois à la pointe du progrès puisqu’elle abrite le premier télégraphe de la ville, bien avant que les militaires du fort du Mont Valérien en soient équipés.

La guerre de 1870 survient et une « mairie de Suresnes » est installée provisoirement à Paris, 31 rue d’Anjou, à destination des citoyens réfugiés dans la capitale. Nous la nommerons la mairie « 5 bis ».

Concours d’architecte
Le 10 février 1885, le conseil décide d’acquérir la propriété d’un certain Grignon, pharmacien à Paris, de la démolir et d’ériger une nouvelle enceinte municipale. La mairie 6 est en marche. Après un concours d’architectes, la construction démarre en 1887 à l’angle de la rue Berthelot et de celle du Mont-Valérien. Le 5 décembre 1889 se tient le premier conseil municipal d’une nouvelle ère.

La mairie 6 tient la route : certes elle se révèle trop petite, elle est fragilisée par une bombe en mai 1940, et certains services l’abandonnent faute de place, mais elle résiste. Désertée durant l’occupation, la municipalité s’installant dans les locaux de l’école de la rue Jules Ferry, elle retrouve son lustre après la Libération et récupère son titre : mairie numéro sept !

Entre les anciens locaux plus ou moins loués, les mairies provisoires, les édifices abandonnés puis réhabilités,
Suresnes peut se vanter d’établir une sorte de parcours
de l’édile municipal historiquement agité !

(*) Cet article prend ses sources dans les écrits de René Sordes et de Jean-Claude Rousseau publiés par la Société d’histoire de Suresnes.

L’ŒUVRE DE BRÉASSON

Ils ne sont pas moins de 78 architectes admis à concourir pour emporter le marché de la conception de la mairie de Suresnes en cette année 1886. Plus de trois cents avaient exprimé leur intérêt et il fallut exposer les projets à Paris, Suresnes ne possédant pas de salle assez vaste. Le concours est arbitré par un jury présidé par Charles Garnier en personne, le concepteur de l’Opéra de Paris.

C’est Jean Bréasson qui l’emporte. L’architecte est un récidiviste qui a déjà imaginé les hôtels de ville de Calais, Pantin, Château-Thierry et Neuilly. Son style colle résolument aux désirs de la troisième République : il faut voir grand, frapper les citoyens par la grandeur de la représentation populaire, démontrer à la « réaction » la force de la République. La façade est imposante, l’entrée immense et la décoration choisie avec soin. Les statues représentent la Loi et la Justice, les peintures rappellent quelques faits suresnois.

Tout cela vient embellir un bâtiment dont la première pierre est posé le 18 mai 1887. Une année à marquer justement d’une pierre : à dater de celle-ci, Suresnes ne fut plus considérée par l’administration comme un village mais devint une ville !

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