Le Zèbre a inventé la voiture pour tous

octobre 2021

Né en 1909 de la collaboration de l’ingénieur suresnois Jules Salomon et du financier Jacques Bizet, produit dans des ateliers de la rue Carnot, le Zèbre type A démocratisa l’accès à l’automobile et inspira les premiers modèles d’André Citroën.

Texte : Matthieu Frachon.

Photos : MUS, SHS, Archives municipales

Rouler en voiture est au début du siècle dernier une affaire coûteuse, réservée à une clientèle aisée. Mais un Suresnois imagine une petite automobile populaire et raisonnable. Elle reviendrait à 38 centimes du kilomètre. En 1911, cette chimère devient réalité avec le Zèbre type A, une création qui va inspirer un certain André Citroën. L’artisan principal de cette réussite, véritable révolution, se nomme Jules Salomon né le 1er février 1873 à Cahors. Fils d’un cafetier limonadier, il envisage une carrière dans la musique, sa passion. Ses parents l’en dissuadent, un métier d’artiste ne leur semble pas très sérieux.

Doué pour les études et décidé à ne pas prendre la succession de son père, Jules Salomon intègre l’Ecole de commerce et d’industrie de Bordeaux : il sera ingénieur. Pas dans n’importe quelle industrie, il va aire carrière dans la motorisation, faire partie des pionniers de l’automobile. Il collabore au début de sa vie professionnelle avec l’homme qui a mis au point le moteur à quatre temps, Beau de Rochas.

L’obsession de Salomon : une voiture accessible à tous

Car en ces temps héroïques la motorisation tâtonne. On est passé de la vapeur au pétrole, mais l’électrique est aussi envisagé. D’ailleurs c’est un véhicule électrique français, la Jamais contente, qui franchit le premier la barre des cent kilomètres/heure en 1900.

L’auto s’industrialise petit à petit. En 1903, Jules Salomon entre aux établissements Unic à Puteaux et vient habiter Suresnes. Unic connaîtra une grande saga industrielle et va se spécialiser dans le véhicule utilitaire, les camions et les autocars jusqu’en 1984, année de sa disparition. Jules Salomon acquiert une bonne réputation, elle fait de lui le premier professeur de motorisation automobile à la prestigieuse Ecole spéciale des travaux publics.

L’ingénieur pourrait se contenter de sa place enviable chez Unic et de sa chaire, mais il a une idée fixe, une obsession : construire une voiture démocratique, une auto accessible à tous. Le temps des artisans est passé, mais la voiture reste un luxe. Les gens aisés achètent un modèle et le font carrosser par des grands noms comme Delage, c’est l’époque des coupés, des phaétons, des berlines. Les autos ne sont pas livrées finies, on achète un châssis, un moteur et le client choisit la carrosserie sur mesure.

C’est aussi l’époque des grandes courses automobiles qui attirent un public populaire qui rêve de vitesse, de liberté, de s’affranchir du tramway et du vélo. En 1908 un certain Henry Ford crée la Ford T, la première voiture fabriquée en grande série, destinée au plus grand nombre. La voiture devient un produit de grande consommation.

Paris osé, succès immédiat

«Pourquoi pas moi ? », se dit Jules Salomon. L’avenir appartient aux entrepreneurs. En 1909 il s’associe à un financier, Jacques Bizet, fils du compositeur Georges Bizet, le créateur de Carmen. Au 110 de la rue Carnot à Suresnes les deux hommes installent les ateliers de leur marque : la société des automobiles Zèbre. La petite voiture populaire qu’imagine Jules Salomon va naître là. Elle doit répondre à un cahier des charges précis mais complexe. Il s’agit de revenir aux origines de l’automobile, un véhicule de type voiturette, à deux places, fiable, économique.

A l’heure où tous les constructeurs ne jurent que par la gamme supérieure, plus de cylindrée, plus de places, plus large, plus rapide, le pari est osé. En 1909, le Zèbre type A est lancé et le succès est immédiat. Avec ses deux places serrées, ses 50 km/h en pointe, son monocylindre de 650 cm3 et ses deux vitesses, on ne fait pas plus simple. L’accès à l’automobile ne coûte que 2 750 francs, elle revient à 38 centimes du kilomètre avec sa consommation basse. L’armée française va en commander pour servir de véhicule de liaison, les Zèbre cahoteront sur les chemins boueux de la guerre de 14.

Mais en 1917, Jules Salomon se fâche avec Jacques Bizet et quitte Zèbre. C’est pour un autre constructeur qu’il poursuit son travail sur les voitures populaires, un jeune ingénieur qui n’a pas encore créé sa marque, André Citroën. Ce dernier s’installe quai de Javel et demande à Jules Salomon de concevoir la première voiture française créée en grande série. Ce sera la 10 cv en 1919, puis la 5 cv en 1922. Cette dernière doit beaucoup au Zèbre, sa couleur jaune la fera baptiser la « citron », c’est le premier modèle iconique de Citroën. Véritable génie de l’ingénierie, Jules Salomon caresse l’idée d’autres petites voitures pour plusieurs constructeurs. Qu’un industriel imagine lancer sur le marché une auto de ce type et il fait appel au Suresnois. La société Zèbre ferme ses portes en 1931. Elle a fait des choix hasardeux et n’a pas résisté à la tentation de la voiture plus riche, plus rapide, plus grande… et plus chère. La concurrence est trop forte et Zèbre disparaît. Jules Salomon poursuit sa carrière avant de prendre sa retraite. Il va continuer à enseigner, mais il peut s’adonner à la peinture et à l’écoute de Wagner, son compositeur favori. Il disparaît le 31 décembre 1963 à 90 ans. Il était membre de la Société d’histoire de Suresnes.

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Le 11 septembre 1971 : le jour où…

Le Variétés club de France joue son premier match à Suresnes

A l’image de l’équipe des Polymusclés créée en 1963, assemblage hétéroclite de copains plus ou moins connus (Jean-Paul Belmondo en était le gardien de but), se monte en 1971 le Variétés club de France (VCF). Autour du journaliste Jacques Vendroux de France Inter, une bande de passionnés du ballon rond décide de renouer avec l’essence du football, le plaisir de jouer ensemble. Parmi les héroïques de cette première heure, il faut citer René Fano, Lucien Felli, Georges Chelon (chanteur), Michel Drhey (commentateur sportif), Jean-Pierre Yzerman, Eddy Biernat.

En juin 1971, la machine est lancée. « Se faire plaisir, tout en faisant plaisir » est la devise officieuse du club. Le 11 septembre c’est le premier match et il a lieu à Suresnes. L’équipe locale fait match nul un but partout, c’est René Fano qui inscrit le premier but de l’histoire du Variétés.

Depuis, l’histoire s’est écrite : le VCF accueille des noms prestigieux (Platini, Giresse, Noah, Thierry Roland…) et a fait le tour du monde, se permettant le luxe de jouer sur la pelouse du mythique stade Maracana à Rio en 1981. Il y a cinquante ans, cette extraordinaire aventure débuta à Suresnes.

 

Réalisé avec le concours de la Société d’histoire de Suresnes

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