Le collège Emile Zola : cent ans et plusieurs vies

août 2022

Créé à l’initiative d’Henri Sellier, l’établissement fut longtemps une école d’enseignement puis un lycée de jeunes filles. En 1963, et malgré des réticences qui subsistaient plus de 60 ans après l’Affaire Dreyfus (*), il fut le premier en France baptisé du nom du célèbre écrivain.

Texte : Matthieu Frachon Photos : MUS

L’histoire du collège Emile Zola est celle d’un établissement qui a eu plusieurs vies. Tout commence en 1920 lorsque la municipalité de Suresnes acquiert une propriété située au 74 rue du Mont-Valérien (devenu depuis le 46 avenue Franklin Roosevelt) dans le but d’y installer une école.

L’ambition du maire Henri Sellier est de mettre en place un véritable pôle d’enseignement pour filles et garçons, où les élèves pourront suivre une scolarité complète de 3 à 18 ans. L’édile a pour piliers de sa politique : « l’habitat, l’hygiène et l’éducation ». Le cours complémentaire pour jeunes filles ne se compose que de quelques classes à ses débuts, mais la mairie achète les terrains alentour et bâtit plusieurs édifices.

Apprentissage ménager

La vision du maire est juste : la banlieue parisienne ne compte alors que deux établissements qui permettent aux filles de poursuivre leurs études au-delà du certificat d’études. C’est ce que l’on nomme des écoles primaires supérieures. L’établissement ouvre pour l’année scolaire 1921-1922. Il est situé à 350 mètres du groupe scolaire Payret-Dortail, du nom de son architecte, qui est officiellement ouvert, lui, en 1927. À ses débuts, l’enseignement pour les jeunes filles est un ensemble de cours de préapprentissage ménager sur la mode, la couture…

L’école connaît un grand succès : la première année, au lieu des 125 élèves attendues, 600 se présentent et il faut faire une sélection. L’école primaire supérieure cède vite la place à un véritable établissement du second degré. La mue est réalisée avant-guerre, la chenille éducative est devenue un beau papillon. L’une de ses élèves, la princesse indienne Noor Inayat Khan, entrée en 1927, connaîtra un destin héroïque et tragique durant la Seconde Guerre mondiale (lire la rubrique Histoires suresnoises de Suresnes mag de février 2019).

Les deux bâtiments de brique rouge sont achevés en 1933 sous la férule de l’architecte Demay. On y prépare le Brevet d’études supérieures, on y apprend la dactylographie, la sténographie, le commerce, la gymnastique et son enseignement. Mais la guerre éclate, l’exode jette sur la route de nombreuses familles de Suresnes. Les élèves sont dispersées, les cours s’interrompent. La directrice, Suzanne May, tient fermement les rênes de la maison en ces temps sombres.

Dans la France pétainiste, il est davantage question de tricot que d’enseignement pour les jeunes filles. Qu’importe, les élèves ne désertent pas l’établissement, elles tricotent et collectent des vêtements et des jouets en attendant des jours meilleurs. La guerre enfin s’achève, la vie scolaire reprend, le portrait du Maréchal est décroché, on ne tricote plus, on apprend.

Le jour de la rentrée 1945, la première d’après-guerre, 400 élèves se pressent devant les portes de l’école. Avant le conflit, elles étaient en moyenne 250 à la fréquenter. Il va falloir pousser les murs : une extension est ajoutée. Le collège moderne de jeunes filles est un établissement renommé qui subit les conséquences du baby-boom.

1967 : Zola au fronton

En 1955 c’en est fini de la gestion municipale, le collège devient un établissement d’Etat qui prépare les jeunes filles au baccalauréat. En 1960, alors qu’il prend la dénomination de « lycée de jeunes filles », il accueille 936 élèves. Et Zola dans tout ça ? Dans sa clairvoyance, l’Education nationale s’émeut en constatant que « lycée de jeunes filles » ce n’est pas un nom.

Et en 1963 le lycée est invité à trouver un patronyme du genre célèbre et indiscutable. Puisque le lycée est sur l’avenue Franklin Roosevelt, il est envisagé de le baptiser ainsi. Mais l’on opte plutôt pour un patronyme national.

C’est alors que la lumière fut : l’établissement compte dans ses rangs une enseignante au patronyme célèbre, Madame Françoise Leblond-Zola, petite fille de l’écrivain qui a, jusque-là, été oublié de ce type d’hommage. Affaire réglée ? Non, car même plus de 60 ans après l’affaire Dreyfus, Zola suscite encore des réticences… Malgré la pression des parents d’élèves, des universitaires, de la Société des amis d’Emile Zola et du maire, qui veulent Zola au fronton, le Ministère hésite… durant 4 ans !

Ce n’est qu’à la rentrée 1967 que le lycée est enfin baptisé du nom d’Emile Zola, le premier en France à porter ce nom. L’année suivante, et sans qu’il y ait le moindre rapport de cause à effet, il devient mixte. En 1969 les classes de lycée sont transférées au lycée Paul Langevin et Emile Zola redevient un collège.

Parmi les élèves qui le fréquenteront, Juliette Noureddine deviendra célèbre sous le nom de scène « Juliette » et consacrera une chanson à ses années de collège intitulée « Rue Roger Salengro ». Ces années 1970-1980 voient une certaine modernisation, parfois sous pression. Une campagne d’envois de cartes postales au Ministère organisée par les parents d’élèves permet de débloquer des crédits pour la remise en état des salles de classes vétustes. Nous entrons ensuite dans des temps récents, qui donc ne nous regardent plus.

* Le 13 janvier 1898, Emile Zola avait publié « J’Accuse », une lettre ouverte au président de la République française prenant la défense d’Alfred Dreyfus, accusé à tort d’avoir livré des documents à l’Allemagne et condamné pour cela.

 

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Le buste de la discorde

C’est en 1992 que le buste d’Emile Zola est transféré au collège. En 1907, il est décidé d’ériger sur l’actuelle place du Général Leclerc (à l’époque place Trarieux) un buste de l’écrivain mort en 1902. Le maire Victor Diederich est un dreyfusard, farouchement anticlérical.

Il va allier ses convictions en faisant ériger le buste du plus conspué des écrivains grâce au bronze obtenu des cloches de l’ancienne église Saint-Leufroy ! L’opposition voit rouge, ce qui est un comble pour des traditionalistes.

Le jour de l’inauguration, le 12 avril 1908, le maire s’enflamme devant l’œuvre du sculpteur Emile Derré et lance : « Cette cloche a suffisamment sonné l’erreur pour proclamer maintenant la vérité ! » En face on le conspue et on scande : « A bas Zola, à bas Dreyfus ! »

Le 4 juin 1908, le corps de Zola est transféré au Panthéon sous les insultes des nationalistes. Durant la cérémonie, Alfred Dreyfus fut agressé et blessé.

En 1928, Henri Sellier transfère le buste dans le square de la bibliothèque municipale, un lieu moins exposé. Ce n’est que depuis 1992 qu’il orne le collège qui fut le premier en France à porter son nom. Et on peut lire sous les traits du premier des intellectuels engagés : « Un jour la France me sera reconnaissante d’avoir sauvé son honneur. »

Sous la direction de la principale, Élisabeth Steinmetz, les cent ans du collège Emile Zola ont fait l’objet cette année d’un riche et long travail des élèves et de leurs professeurs, qui a culminé lors d’une journée de festivités et de découvertes le 13 mai dernier, autour, notamment, d’une exposition réalisée par Hanaé Schmitt, professeure documentaliste avec l’aide des archives de la commune et de l’équipe du MUS.

 

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