Les résidences d’artistes font désormais partie du paysage culturel. Elles sont les héritières de ces communautés des années foisonnantes de l’art, du bateau-lavoir de Montmartre. À Suresnes un groupe d’artistes danois a vécu cette expérience de vie commune dans l’immédiat après-guerre. Pierre-Marie Deparis et Tristan Hédoux ont sorti de l’ombre l’histoire trop peu connue de la Maison des Artistes Danois.
Alors professeur au lycée Langevin, Pierre-Marie Deparis découvre l’existence de cette aventure et se lance avec son collègue Tristan Hédoux dans la rédaction d’un ouvrage. Tout commence à la fin de l’année 1946. Les artistes danois ont envie de conquérir le monde au sortir d’une guerre qui les a maintenus isolés. Et le monde pour un artiste, c’est Paris. Mais la vie est chère, la France est loin.
Le peintre André Schlichting va apporter une solution. Ce Franco-Danois de retour au pays Robert Jacobsen devant la façade en meulière du pavillon. après 20 ans passés en France a une piste. L’un de ses amis, le peintre Louis Chesnay, serait disposé à louer à de jeunes artistes danois une partie de sa villa située en banlieue parisienne, à Suresnes.
Pavillon en meulière
Après avoir rassemblé quelques dons, Richard Mortensen, son épouse et Robert Jacobsen, arrivent à Suresnes sous le soleil de juin 1947. Ils sont les premiers artistes danois de Suresnes. La maison qu’ils découvrent est située au 20 rue de la Tuilerie côté cour, et donne sur la rue Victor Diederich à l’opposé. C’est un pavillon aux vitres cassées qui est enchâssé au milieu d’autres bâtiments donnant sur une longue cour.
Les voisins sont un atelier de réparation automobile à la réputation douteuse, une dame de petite vertu, un serrurier alcoolique et d’autres gens plus tranquilles. D’anciennes stalles pour chevaux expliquent le anneau « Haras de Longchamp » apposé à l’entrée de la cour. Les Danois investissent la villa des haras, un pavillon en meulière qui donne sur un vaste jardin.
La maison n’est pas confortable, elle n’est pas entretenue. Une vaste pièce au rez-de-chaussée devient l’atelier, il y a trois chambres et une cuisine à l’étage, un poêle au tirage approximatif ne chauffe pas du tout.
« Danske Kunsternhus i Suresnes »
C’est la maison des courants d’air, mais les Danois sont en France et le monde de l’art les attend. Les deux artistes se retroussent les manches et tentent de rendre la maison habitable. Petit à petit, d’autres Danois vont et viennent dans cette « Danske Kunsternhus i Suresnes ». Ils posent leurs toiles, leurs sculptures, puis repartent. Le pilier de cette communauté disparate est le sculpteur Robert Jacobsen qui restera 9 ans à Suresnes avec sa fille Lykke, soit toute la durée de cette aventure.
La vie est frugale, Jacobsen apprend la soudure et se mue en réparateur pour vivre. Mais il n’oublie pas son art. Il vit la vie d’un ouvrier-artiste, allant boire un verre au café de la Tuilerie voisin. Le soir une grande tablée réunit les artistes qui refont le monde. Des gens passent pour une soirée, d’autres viennent et repartent…
Certains sont restés des créateurs majeurs dans les Arts plastiques du XXe siècle. L’expérience se termine en 1956 lorsque les pavillons sont saisis pour laisser place à des HLM. La Maison des Artistes Danois a vécu.