La chronologie est maîtresse, bien évidemment. A quel moment une cité, un lieu devient un objet historique ? Vaste question qui agite les cercles pensants depuis les tréfonds des premières études. En ce qui concerne Suresnes, l’embryon d’une évocation historique est religieuse. Suresnes est rattachée à l’abbaye de Saint-Germain tenue par les Bénédictins. Durs au labeur et opiniâtres, d’où l’expression « un travail de bénédictin », les moines-copistes recensent les premiers au XIVe siècle les événements marquants rattachés à Suresnes. Il s’agit d’authentifier les reliques de Saint Leufroy, mais aussi d’une approche cadastrale et administrative. L’Eglise est une puissance financière et politique. Les moines érudits travaillent depuis l’abbaye de Saint-Germain des Prés, ils rassemblent les textes, archivent, compilent.
En 1754 paraît la première « Histoire de Suresnes ». C’est un chapitre de l’oeuvre de Jean Lebeuf, chanoine d’Auxerre et de Paris. Le religieux explore la région parisienne et note tout ce qu’il voit, ce qu’il peut lire. Il a comme ambition d’écrire une « histoire de la ville et de tout le diocèse de Paris et des environs. » Lebeuf rassemble les connaissances du temps sur Paris et ses alentours. Suresnes y occupe huit pages, ce qui n’est pas rien pour un modeste village.
Le curé historien s’efface derrière l’instituteur
Les lourds événements historiques qui suivent relèguent la recherche historique au second plan. Entre 1789 et 1870, la France connaît trois révolutions, deux républiques, un directoire, un consulat, deux monarchies et deux empires. Le curé historien va alors s’effacer derrière l’instituteur.
Le livre de l’abbé Lebeuf est réédité et complété en 1890 par Bournon, mais c’est le maire de Puteaux, Roques de Filliol, qui publie l’histoire de la Presqu’ile de Gennevilliers et du Mont Valérien en 1887.
Cette année-là, un jeune instituteur est nommé à Suresnes, il s’appelle Edgard Fournier. Les « hussards noirs de la République » ont fourni un contingent d’historiens plus ou moins éclairés, non négligeable. Fournier s’appuie sur les travaux de Narcisse Meunier, un industriel suresnois auteur d’un manuscrit très complet sur la ville de Suresnes… qui ne fut cependant jamais diffusé (la SHS et le MUS en détiennent une impression). En 1890, le livre de Fournier est publié : comme beaucoup d’ouvrages de ces instituteurs, il n’est pas toujours exact, il brode, ne vérifie pas. C’est l’époque du « roman national », de Michelet. Mais le ton est là, l’ouvrage fleure la pédagogie de la Troisième République et il est le fruit d’un authentique curieux.
En 1906, Henri Baillère publie Autour d’une source, un livre qui reflète l’importance des eaux à Suresnes. Il est le fruit d’un contentieux avec la ville autour de la source, mais il est le premier ouvrage à inclure des documents originaux.
Après la guerre de 14-18, l’étude historique suresnoise connaît un véritable boum. Le directeur du cours complémentaire, Octave Seron, réédite et enrichit le travail d’Edgar Fournier, Suresnes d’autrefois et d’aujourd’hui et bénéficie du soutien inconditionnel du maire Henri Sellier.
1926, année faste
Après trois ans de travail, l’ouvrage sort en 1926, l’année même de la fondation de la Société Historique de Suresnes. Année faste puisqu’une exposition « Le vieux Suresnes » est mise en place à la mairie.
C’est le prélude du futur musée créé en 1928 et que la SHS administrera jusqu’en 1953 (lire ci-dessous). La SHS s’installe, publie ses travaux, et prospère jusqu’à aujourd’hui. Henri Sellier considère la SHS comme une commission municipale historique.
La guerre interrompt les travaux des historiens. Mais lorsque les hostilités cessent, la recherche reprend. C’est sous l’égide de René Sordes (voir ci-contre) que de nouvelles pages s’impriment. L’Histoire continue à s’écrire. En 1953, la gestion du musée revient donc à la municipalité.
Le musée René Sordes prend une nouvelle direction en 2013 en investissant la gare de Suresnes-Longchamp. C’est la naissance du MUS, Musée d’Histoire Urbaine, plus contemporain. Avec les archives municipales et la SHS, l’histoire suresnoise possède de solides piliers qui balayent le vaste champ de la mémoire.
◗ Dossier nourri par les travaux de Michel Guillot et le soutien de la SHS et son président Jean-Marie Maroille.
◗ Pour contacter la SHS : 100 rue de la République, 01 75 54 78 67.
◗ La SHS a lancé une série de vidéos sur l’histoire de Suresnes. Une première est déjà disponible via sa page Facebook, societe.histoire.suresnes.