ET SURESNES DEVINT UN PEU AMÉRICAINE

juillet 2019

En 1917, répondant à la recherche par les États-Unis d’un terrain  pour construire un cimetière à l’ouest de Paris, Suresnes accorde gratuitement 30 600 m2 « de la propriété communale du Tertre et des Terres Blanches ». Le 30 mai 1919, jour du Memorial Day, le Président Woodrow Wilson accompagné du général Pershing et du  maréchal Foch vient inaugurer le cimetière américain. C’est le seul en France qui accueille les morts des deux guerres mondiales.

Un peu plus de trois hectares, 1565 croix blanches, la bannière étoilée qui flotte… Cette image semble sortie d’un film, où il serait question d’honneur, de guerre, de héros. Cela pourrait se passer à Arlington, le grand cimetière militaire américain à Washington. Mais il s’agit bien de Suresnes, seule ville en Europe où un cimetière américain accueille les dépouilles de soldats US tombés lors des deux guerres mondiales.
En posant le pied sur le sol français le 13 juin 1917, le général Pershing chef du corps expéditionnaire américain, engage pour la première fois de l’Histoire sa jeune nation dans un conflit sur le sol européen. Le 4 juillet 1917, le capitaine Stanton lance « La Fayette nous voilà ». Il prouve ainsi que les Américains ont de la mémoire et n’oublient pas le rôle de la France dans leur indépendance. Le jour de l’armistice du 11 novembre 1918, ils sont 2 millionsde « sammies » (leur surnom) à être stationnés en France.
Le plan élaboré par le général Foch, chef des forces alliées, et le général Pershing, prévoit d’arriver à plus de 5 millions de soldats américains en 1919. La capitulation allemande rendit ce plan caduc et les troupes US rembarquèrent.
Mais 53 402 jeunes hommes avaient perdu la vie en Argonne, sur la Somme ou en Champagne. Si on ajoute les soldats fauchés par la terrifiante épidémie de grippe espagnole, on arrive au chiffre de 116 516 morts. Après la guerre la plus meurtrière de ce début de siècle, vient le temps du souvenir et de la commémoration.

30 600 m2 accordés gratuitement

La France, où s’est déroulé la majorité des combats, se couvre de monuments aux morts et d’hommages. Mais l’idée de créer des cimetières dédiés à l’inhumation des soldats étrangers morts sur la terre de France n’attend pas la fin du conflit. Le 28 septembre 1917, la Préfecture de la Seine informe le maire de Suresnes Victor Diederich que l’administration américaine, anticipant les pertes humaines que causera l’engagement de ses troupes (leurs premiers combats se déroulent en novembre), recherche un terrain disponible à l’ouest de Paris pour construire un cimetière. Or de nombreux soldats décèdent dans les hôpitaux parisiens et Suresnes est située à proximité de la plupart de ceux-ci.
La réponse de la municipalité suresnoise est immédiate et positive, elle accorde gratuitement 30 600 m2 « de la propriété communale du Tertre et des Terres Blanches situéestratégique, pour y fonder la sépulture des soldats américains morts pour la France. » (extrait de la délibération municipale).
La mise à disposition du terrain à perpétuité est assujettie de la condition que dans le cas d’une désaffectation ou translation du cimetière le terrain reviendrait à la commune.
Du côté des États-Unis, le Graves Registration Service of the Army Quartermaster Corp, service funéraire de l’armée américaine, prend en main l’édification du cimetière.
Le 30 mai 1919, jour du souvenir (le Memorial Day aux USA), le Président Woodrow Wilson accompagné du général Pershing et du maréchal Foch vient inaugurer le lieu.
Mille cinq cent quarante et une tombes marquées d’autantde croix blanches et de quelques étoiles de David seront la dernière demeure de soldats morts durant les combats, des suites de blessures ou de la grippe espagnole. Sept infirmières sont également inhumées. Le cimetière passe sous le contrôle de l’American Battle Monuments Commission (service qui administre les cimetières et monuments commémoratifs) créé en 1923.

Mur des disparus

C’est ce service qui va donner au lieu l’aspect que nous lui connaissons aujourd’hui. L’architecte Charles Pratt est chargé d’ériger la chapelle au fond du cimetière. En 1932, le bâtiment est terminé, il est d’une blancheur éclatante selon l’usage commun aux États-Unis. Le marbre de Carrare règne en maître, imposant la grandeur au lieu. Mais l’histoire de cette impressionnante nécropole ne s’arrête pas là.
Après la Seconde Guerre mondiale, une partie du cimetière accueille les corps de 24 soldats américains inconnus tués lors du conflit. Les propres fils de l’architecte, William et Geoffrey Platt, réalisent les ajouts au bâtiment existant. En 1952, le général Marshall, ancien commandant en chef de l’armée américaine, vient inaugurer la nouvelle configuration.
Un mur des disparus est gravé de 974 noms de soldats portés à jamais manquants sur mer, terre et air durant la Première Guerre mondiale.
La nécropole n’est pas la seule érigée en France. Onze cimetières accueillent les restes de 69 629 soldats américains tués durant les deux guerres mondiales et inhumés en France.
Suresnes est l’un des plus petits avec ses 1565 dépouilles. Mais il est le seul à traverser les deux conflits, le seul qui accueille les morts des deux guerres, ce qui en fait un site unique. Le lieu de mémoire a vu passer plusieurs président américains, dont le dernier en date, Donald Trump le 11 novembre 2018.

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WILLARD DICKERMAN STRAIGHT, LE REPORTER DIPLOMATE

Éditeur, reporter, diplomate et engagé militaire… Willard Dickerman Straight a eu une vie courte mais bien remplie. Il repose sous une croix blanche du cimetière américain de Suresnes.

Né le 31 janvier 1880, il devient orphelin en 1890. Sa soeur et lui sont élevés par le docteur Elvire Garnier, l’une des premières femmes médecins des États-Unis. Diplômé de l’université de Cornell en architecture,
il se lance dans un tout autre domaine, la diplomatie. Secrétaire du représentant américain auprès de la compagnie impériale maritime de Nanjing, il explore la Chine.

Le journalisme l’accueille, puisqu’il couvre la guerre russo-japonaise de 1905.
C’est au cours de ce conflit qu’il découvre la Corée, alors unifiée. Dans la foulée, il devient secrétaire du consul américain à Séoul.
Après un reportage à Cuba, il retourne en Chine comme attaché diplomatique en Mandchourie. Il provoque un incident diplomatique avec le Japon en menaçant un citoyen japonais avec un révolver.
En 1911, de retour aux États-Unis, il rompt ses fiançailles avec Ethel  Roosevelt, fille du président Theodore Roosevelt, pour épouser Dorothy Withney fille de l’ancien secrétaire d’État à la marine.
Le couple part en Chine, puis rentre aux États-Unis jugeant le pays peu sûr après la révolution. Straight devient l’éditeur de The New Republic, un hebdomadaire politique, et aide à fonder Asia Magazine.

Il s’engage en 1917 à l’âge de 37 ans comme Major dans la First Army, il est décoré de la Distingued Service Medal.
Alors qu’il travaille à la conférence de paix de Paris, il contracte la grippe espagnole et meurt d’une pneumonie le 1er décembre 1918. Il est inhumé au cimetière américain de Suresnes.

 

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