25 Février 1848: Le jour où… Le château des Rothschild fut dévasté

août 2019

Aux cris de « À mort Rothschild ! Il faut piller Rothschild ! » un groupe d’émeutiers menés par le marchand de volailles Louis Frazier détruit le bâtiment que le baron Salomon de Rothschild avait fait ériger en 1826. Symbole à leurs yeux de la richesse et des privilèges honnis… mais qui abritait surtout une ferme modèle, avec des serres pour plantes exotiques et des animaux rares. Les pillards seront lourdement condamnés mais le château ne sera jamais reconstruit.

Les révolutionnaires aiment abattre les symboles, détruire les biens qu’ils estiment représentatifs d’un ordre à faire disparaître. En 1848, la France connaît sa troisième révolution en moins de cinquante ans. De Paris elle va gagner Suresnes, consumant dans les flammes la propriété des Rothschild. Dix-huit ans après les trois glorieuses, ces journées d’émeutes qui avaient amené Le Roi Louis-Philippe au pouvoir, les Français remettent ça. Révolution, barricades, la liberté guidant le peuple, les Parisiens s’embrasent et veulent renverser la monarchie. En février, les troubles commencent à Paris et les troupes du Mont-Valérien sont envoyées renforcer la garde nationale dans la capitale. Les émeutiers visent les symboles des privilèges et de la richesse. Le château de Neuilly est pillé puis incendié. Paris se cravate du rouge des socialistes de Louis Blanc, la foule hurle et réclame des têtes. « C’est 1793 qui recommence » lance le poète (et futur député) Lamartine. Le 25 février, Puteaux s’embrase. Sur la place principale, un rassemblement d’excités vocifère « au Mont-Valérien ! Allons chercher les armes ». Les émeutiers menés par un certain Louis Frazier se mettent en route vers Suresnes, ils passent devant le château de Salomon de Rothschild et vocifèrent « A mort Rothschild ! Il faut piller Rothschild ! »  Mais ils poursuivent leur route, et se rassemblent devant la mairie de Suresnes.

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Crainte d’un pillage de Suresnes

Les quelques gardes nationaux présents tentent de les calmer. Louis Frazier hurle et tempête. Ce Suresnois, marchand de volaille de la place Henri IV, veut monter au fort du Mont-Valérien. Les officiers de la garde les accompagnent, la crainte d’un pillage de Suresnes est réelle. Au fort, il ne reste qu’une poignée de gardes. Après négociation et menaces, le pont levis est abaissé, les « révolutionnaires » entrent et prennent de la poudre, des fusils, des uniformes, un tambour… Les gardes ne peuvent s’opposer à eux, ils ont bien des fusils, mais pas de cartouches. Ivres de leur « victoire », les agités repartent en direction de Puteaux, encadrés de quelques gardes nationaux. L’arrière-garde s’excite en repassant devant le château. Louis Frazier appelle au pillage, il découvre une petite porte, fait sauter la serrure à coup de fusil et entraîne ses compagnons dans le parc du château. Le reste de la mauvaise troupe entend les détonations et fait demi-tour pour participer à la destruction programmée.

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Pique-nique aux lueurs de l’incendie

Le baron Salomon de Rothschild avait fait ériger le château en 1826, le parc était une ferme modèle, avec des animaux rares. L’architecte Joseph-Antoine Froelicher avait imaginé des serres pour abriter des plantes exotiques. Les bêtes sont abattues par les fringants révolutionnaires, les serres sont dévastées. Puis le bâtiment principal est investi, les philistins ivres de vin et de fureur, détruisent les meubles précieux, les tableaux, volent les alcools … Puis ils mettent le feu et se dispersent. Certains boivent les bonnes bouteilles du baron dans un pique-nique éclairé par les lueurs de l’incendie. Le lendemain la garde nationale empêche enfin de nouvelles destructions. A la fin du mois de juin, la révolution s’achève, le roi est en fuite. Le président du gouvernement provisoire, Lamartine, rétablit l’ordre, calme les velléités de chaos de Louis Blanc et de Blanqui. Il élimine le drapeau rouge et impose le retour au tricolore. Le calme revenu, 22 pillards sont arrêtés. Jugés, ils sont lourdement condamné, Louis Frazier écope de 20 ans de travaux forcés. Salomon de Rothschild attaque la commune qu’il estime responsable de cette catastrophe. Le château n’est plus qu’une ruine fumante, les cadavres d’animaux gisent dans le parc. Il perd son procès, et le domaine restera jusqu’à la fin du siècle un terrain vague interdit aux enfants qui s’empressèrent d’y aller jouer. Puis l’industrie automobile y érigera une nouvelle page de l’histoire de Suresnes.


C’est arrivé en été à Suresnes

L’Histoire ne fait pas de pause. Les étés suresnois furent riches d’actions plus ou moins grandes, anecdotiques, ou importantes. Petit panorama de ces divers faits d’été :

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6 juillet 1594

C’est la date portée sur l’acte de naissance de Marguerite Naseau. Appelée « première fille de la charité », elle fut la plus fidèle collaboratrice de Saint Vincent de Paul (lire dans le Suresnes Mag de mars 2019 « Une histoire au féminin »).

29 juillet 1830

Déjà une révolution, déjà des émeutiers et un pillage. Cette fois-ci c’est vers le calvaire du Mont-Valérien que se dirige la foule. Et c’est un château qui attire leur courroux. Celui de Monseigneur Charles de Corbin-Janson, évêque de Nancy et de Toul qui fut vicaire aux Amériques. L’homme, dont nous reparlerons, avait fondé le cimetière du Mont Valérien. Son château subit la révolution et lui-même fut chassé de sa propriété, tout comme les missionnaires du Mont-Valérien.

4 juillet 1875

La première pierre de l’école Jules Ferry est posée. Jules Ferry ne deviendra ministre de l’Instruction Publique qu’en 1879 et l’école ne portera son nom que bien plus tard. Mais les bâtiments sont parés du titre de « plus ancien établissement scolaire de la ville ».

25 juillet 1909

Traversée de la Manche par Louis Blériot. L’événement se produisit loin de Suresnes, mais il eut un retentissement énorme dans la ville : Les établissements Blériot étaient un des fleurons de l’industrie aéronautique suresnoise.

12 juillet 1926

Création de la Société Historique et artistique de Suresnes. Si les premiers travaux d’historiens sur la ville datent du XIXe siècle, c’est entre les deux guerres qu’une association se propose d’étudier la riche histoire de la cité. La SHS perdure et poursuit son œuvre.

10 juillet 1964

Création du département des Hauts-de-Seine. Suresnes quitte le giron du 75, département de la Seine, et intègre le futur 92. C’est la création administrative de la petite couronne parisienne.

  • LE SAVIEZ-VOUS ?
Histoire d’eau à Suresnes

Le 10 août 1853, un certain Laurencin Hilaire Cléry propose une révolution au maire de Suresnes. L’homme se dit prêt à fournir l’eau courante à tout le canton ! En ce milieu du XIXe siècle, c’est tout bonnement extraordinaire. Bien sûr, il ne s’agissait pas d’avoir l’eau sur l’évier pour tous, mais d’installer des bornes-fontaines partout en ville qui amèneraient le liquide filtré depuis la Seine. Jusque-là on allait au puit, ou à la Seine, ou encore le Suresnois dépendait des commerçants assurant un service de tonneaux ambulants. Mais malgré une étude poussée, prévoyant même l’évacuation des eaux sales par des bouches ouvertes sous les trottoirs, il n’y eu pas de suite. La compagnie de Laurencin Hilaire Cléry, sis 28 rue Pigalle à Paris, ne décrocha pas le marché et Suresnes ne fut pas la première commune de la Seine à disposer de l’eau courante.

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Réalisé avec le concours de la Société d’histoire de Suresnes

 

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