L’image est un témoignage. Qu’elle soit fixe ou en mouvement, elle a toujours été une restitution du temps, un instantané de l’époque.
C’est une archive qui vaut mille mots, et Suresnes vient d’en faire la démonstration en identifiant la plus ancienne photo de Suresnes.
« Mon plaisir, c’est le voyage dans le temps avec les images. » Grégory Saillard a 44 ans, c’est un Havrais fasciné par ce que racontent les photos anciennes. En septembre 2015, il se penche sur l’histoire du Havre, explore Internet à la recherche de l’iconographie la plus ancienne.
« Souvent, les images sont mal identifiées, la légende est floue ou erronée. J’ai pu ainsi découvrir les plus anciennes photos du Havre sur Gallica, le site de la Bibliothèque nationale de France. » C’est alors que sa route croise celle d’Hippolyte Fizeau, le savant suresnois qui mesura le premier la vitesse de la lumière. Fizeau était aussi un passionné de photo qui a fait de nombreuses expériences sur cette technique toute neuve.
Grégory Saillard isole cinq images prises par le savant lors de son séjour au Havre en 1840. Après une exposition à la bibliothèque du Havre, le découvreur se penche sur une image trouvée dans les collections en ligne du musée Paul Getty, à Los Angeles. « Je me la suis gardée sous le coude, je savais que cette photo avait un potentiel. »
La photo est une reproduction d’un daguerréotype, un tirage sur plaque de verre. Jean-Marie Maroille, président de la Société d’histoire de Suresnes explique : « Sur le site, elle est illisible, jaunie, en très basse définition. » Grégory Saillard achète un tirage en très haute définition et étudie le cliché. Sa dénomination est toute aussi floue : « Vue campagnarde avec château ou palais au sommet d’une colline ».
Mais après avoir croisé les lieux ou Fizeau a vécu, et la date approximative du cliché, 1842, Saillard est persuadé d’avoir identifié le lieu : c’est une photo de la maison familiale de Fizeau à Suresnes et la colline n’est autre que le Mont-Valérien. « Je pensais bien avoir découvert la photo la plus ancienne de Suresnes.»
Expertise de la SHS
En 2018, Grégory Saillard contacte la SHS et le MUS de Suresnes. Émeline Trion, chargée de valorisation des collections au musée se remémore sa surprise « d’apprendre qu’un document de cette nature se trouvait dans un musée aux États-Unis et qu’un particulier, chercheur autodidacte, avait eu le réflexe de l’associer au Mont-Valérien ».
Le MUS qui prépare l’exposition sur Fizeau effectue alors sa propre recherche. « Nous avons travaillé avec la SHS pour authentifier la découverte. Nos plus anciennes photos connues de Suresnes étaient des tirages papiers. Nous avons été aux anges de confirmer qu’un daguerréotype puisse subsister dans des collections muséales. L’expertise de la SHS a été très importante », souligne Émeline Trion.
Aujourd’hui, Jean-Marie Maroille et le service conservation du MUS peuvent être aussi catégoriques qu’unanimes : « C’est la plus vieille photo connue de Suresnes, c’est une certitude ! »