Au CMM, chaque jour est une journée particulière

avril 2020

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Dès le début de la crise, l’activité du Centre municipal de santé a été réorganisée, notamment en séparant notamment l’accueil des suspicions Covid des autres patients. Les praticiens suivent aussi certains malades téléphoniquement et travaillent en lien avec les acteurs locaux de la médecine.

Dans les murs du bâtiment de la rue Carnot, Dominique Lacoutière, à l’accueil, Isabelle Landemaine, infirmière et le docteur Catherine Lipatoff racontent leur action.

Texte : Stéphane Legras

Confinement J30, 8h45. Dominique Lacoutière n’a pas croisé grand monde depuis qu’elle a quitté Rueil. Trente ans qu’elle rejoint le Centre médical municipal Raymond Burgos à pied, trente jours que le trajet de 45 minutes depuis son domicile est un peu plus solitaire. Outre l’accueil physique, Dominique participe à la prise en charge des patients avec la centrale d’appels qui fonctionne à plein. « Les patients entrent dans le centre un par un. Une fois à l’intérieur, des palissades les séparent  et matérialisent deux parcours hermétiques : non Covid et Covid. Les cabinets du rez-de-chaussée sont réservés à ces derniers », explique Dominique Lacoutière. Pour elle, comme pour les autres agents du CMM, le constat est clair : l’activité physique est en forte baisse.

Confinement J30, 12h. Isabelle Landemaine, qui intervient après Dominique, vient d’orienter deux Suresnois. « Je suis infirmière puéricultrice et dirige en temps normal la crèche Ma Mère l’Oye. Depuis le confinement, je suis au CMM où l’on se relaie avec d’autres infirmières des crèches de Suresnes pour orienter les patients qui appellent ou se présentent, physiquement, au centre, par le biais d’un questionnaire adapté », détaille-t-elle. Ce premier état des lieux lui permet notamment d’identifier les possibles cas de Covid et de les diriger vers le parcours du rez-de-chaussée qui leur est dédié. « Attention, nous ne faisons pas de diagnostic. Ce sont les médecins qui décident ensuite, si le cas est avéré, et en fonction de la gravité ce qui va être mis en place. »

Confinement J30, 15h. Le Docteur Catherine Lipatoff raccroche son téléphone, soulagée. Un collègue

qui partage son temps entre le CMM et l’hôpital Foch vient de lui apprendre qu’un patient touché par le virus qu’elle y avait envoyé en urgence est tiré d’affaire. « J’ai eu deux cas très sérieux de Covid au début de l’épidémie. Pour l’un j’ai appelé le 15, très rapidement une équipe est venue le chercher pour l’hospitaliser. Dans les deux cas il s’agissait d’hommes de plus de 65 ans. Ils avaient une forte détresse respiratoire. Notre rôle de médecine de ville est aussi de faire en sorte que les malades qui peuvent rester chez eux n’aillent pas à l’hôpital, que nous les soignions à leur domicile, à distance, en les rappelant tous les jours », décrit le Docteur Lipatoff. L’objectif étant bien sûr de désengorger les structures hospitalières à commencer par les urgences. « La population doit aussi être consciente que l’on peut être traité chez soi, même avec de petites complications », ajoute-t-elle.

Un ou deux médecins sont donc présents au CMM tous les jours, du lundi au samedi matin pour assurer le suivi des patients du centre (Covid ou non ), de ceux n’ayant pas de médecin traitant, des patients Covid sans gravité qui sortiraient de l’Hôpital. Ils font également le lien avec le centre 15 pour l’orientation des patients sans médecin traitant présentant des formes aigües du virus et nécessitant une hospitalisation. Confinement oblige, « alors que les consultations étaient auparavant programmées et se faisaient uniquement en présentiel, à présent tout se passe essentiellement par téléphone. »

Confinement J30, 17h. Dominique Lacoutière transfère à Philippe Guinet l’appel d’une personne devant contacter un dentiste de toute urgence. Tous les jours, un dentiste ou l’assistante dentaire assurent une permanence téléphonique pour gérer les cas à distance lorsque c’est possible et réorienter les patients en cas d’urgence. Quelques mètres plus loin, d’autres professionnels mènent d’autres échanges téléphoniques : il s’agit de la cellule de veille psychologique du CLSM.

La fin de la journée au CMM approche. Chacun ôtant sa blouse de protection s’assure qu’il dispose du  matériel suffisant.

Le centre peut disposer de stocks de masques FFP2 ou de masques chirurgicaux (grâce aussi aux dons d’entreprises et de la Région)., de blouses et de lunettes, .

Par ailleurs le personnel technique de nettoyage est présent tout au long de la journée pour nettoyer les poignées de portes, boutons d’ascenseurs, rampes d’escaliers en plus du nettoyage habituel des locaux… Les cabinets médicaux font l’objet d’une désinfection régulière, voire entre chaque patient après une suspicion COVID. Cela doit participer au fait que chacun se sente en sécurité et que le stresse des agents soit apaisé. « Mais vous savez, soigner, au sens large, c’est notre cœur de métier », sourit le Docteur Lipatoff.

Confinement J30, 17h30. Isabelle Landemaine se glisse derrière le volant de la voiture de son mari qui, lui, télétravaille. Dominique Lacoutière quant à elle, s’apprête à gravir le mont Valérien. Les rues sont toujours aussi dépeuplées. Demain sera une autre journée particulière.

Retrouvez dans la galerie ci-dessous le reportage photos de Tiphaine Lanvin

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Docteur Catherine Lipatoff « Cet épisode fait aussi partie de notre métier »

 

« En temps normal, je suis généraliste et nutritionniste, je fais également des vaccinations les vendredis soirs. Là c’est un autre type d’exercice, on s’adapte. J’ai rappelé tous mes patients que je suis pour une affection de longue durée, je réponds à leurs demandes. Les deux premières semaines ont été chargées au centre puisque nous avons du tout réorganiser, établir de nouveaux protocoles, envisager les situations en amont pour mieux les gérer. Et là nous commençons à nous habituer à cette nouvelle organisation. Pour le Covid, nous sommes aux premières loges bien sûr, même si c’est moins stressant que de travailler dans un service de réanimation. Je ne viens pas avec la boule au ventre puisque cet épisode inhabituel de l’exercice de la médecine fait aussi partie de notre métier. Et là, depuis 15 jours, une forme de routine s’est installée, comme une parenthèse. »

Dominique Lacoutière, accueil « Les personnes qui viennent au CMM sont très disciplinées »

« En plus du travail d’accueil qui m’occupe deux ou trois jours par semaine, j’ai toujours la régie à gérer, c’est à dire les feuilles de soin électroniques ou tout ce qui concerne les paiements. De manière générale, les personnes qui viennent au CMM sont très disciplinées, ont compris nos façons de faire. Après l’atmosphère est un peu bizarre, c’est une période qui n’est pas normale. On accueille tout de même les patients avec un masque et derrière une plaque de plexiglas ! Mais je n’ai pas peur, nous avons tout le matériel nécessaire. Et puis je fais cela depuis 30 ans, j’étais donc là en 2009 au moment du H1N1, ce centre était d’ailleurs centre vaccinal. »

 

Isabelle Landemaine, infirmière (*) « J’ai l’impression de participer à un effort collectif. »

« Actuellement 80% de notre activité est liée au virus. En nous constatons que nous avons beaucoup moins d’appels pour la médecine générale. Et avec ma collègue Marie-Christine CAIFFA  infirmière permanente du CMM Il n’y a par ailleurs pas de panique générale, ou d’affabulation, certes parfois un peu d’anxiété, nous sommes là aussi pour rassurer nos interlocuteurs.

Par ailleurs nous avons très peu de visites physiques. Ce qui montre que la population avait pris conscience qu’il ne fallait pas se déplacer pour rien. Le réflexe c’est d’appeler et ensuite si l’on juge ici que c’est nécessaire, de se déplacer. Tout ceci est positif, je suis agréablement surprise par cette marque de civisme. J’ai l’impression de participer à un effort collectif. Je suis soignante de formation. Certes étais-je loin des soins depuis longtemps mais si je peux apporter mes compétences c’est tout à fait normal. Cela ne m’étonne pas que tous les soignants réagissent comme cela face à la crise sanitaire.

Nous sommes soudées. Quand on fait ce type d’études, quand on s’engage dans le soin, on est animé par l’idée d’entraide, cela fait partie de notre patrimoine génétique, c’est comme le vélo, cela ne s’oublie pas. Sinon, bien sûr que mon quotidien de la crèche me manque. Je me demande comment vont les enfants et leurs familles… »

 (*) Isabelle dirige en temps normal la crèche Ma Mère l’Oye

Les chiffres du CMM du 18/03 au 17/04

Depuis le 18 mars jusqu’au 17 avril

  • 153 patients accueillis dont 20 en suspicion Covid 19
  • 350 consultations téléphoniques dont 119 concernant le suivi de patients en suspicion Covid 19
  • 1425 appels reçus par le Centre
  • 87 appels de prise de contact et de suivi hors consultation de la part des professionnels à leurs patients, 10 orientations en lien avec la régulation du 15
  • 45 patients dentaires en consultation téléphonique depuis la fermeture des cabinets
  • 28 personnes bénéficient d’entretiens téléphoniques de soutien psychologique (*).
  •  240 entretiens menés, et 20 entretiens de soutien psychologique avec les aidants de la Maison des Aidants :
  • 200 entretiens menés, et 20 entretiens de soutien psychologique par l’Accueil Ecoute Cancer, les Alizés

(*)Le Centre médical municipal Raymond Burgos a mis en place une cellule de soutien psychologique ouverte à tous Pour être recontacté, envoyer un mail (jkrief@ville-suresnes.fr) en indiquant ses nom, prénom et numéro de téléphone ou faire sa demande par téléphone au 01 85 90 79 13.

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