Elles se retrouvent, treize femmes, treize « seniors », de 63 à 81 ans, pas des danseuses, mais « recrutées » à l’occasion d’un thé dansant à la salle de fêtes. Où sont les hommes ?
Elles sont réunies en cercle, la chorégraphe Amalia Salle est à la fois le début et la fin, comme le fermoir d’un bijou. Chaque atelier commence avec la parole. Installer une atmosphère de confiance, libérer la parole et les émotions pour les changer en gestes, « en gestes sincères ». Tristesse. Peur. Colère. Surprise. Joie. Les émotions émergent et submergent certaines, d’autres se retiennent. D’autres avouent ne rien ressentir. Chacune vit le moment à sa façon.
La chorégraphe mène la danse et reprend les gestes un a à un, les met bout à bout et tout le monde reprend, jusqu’à ce que l’enchaînement prenne forme.
Le fruit de ces ateliers a été présenté au théâtre Jean Vilar le 27 mars. « Ce n’est peut être pas aussi abouti qu’un spectacle pro, mais nous serons allées loin dans la compréhension de soi et dans la relation au mouvement », explique Amalia Salle. La jeune femme, a grandi dans l’amour de ses parents, mais a manqué de celui de ses grands-parents et en retient un intérêt tendre et bienveillant pour les personnes âgées, regrettant que « ceux qui ont construit le monde dans lequel on vit » soient invisibilisés. Quant aux corps, puisqu’il s’agit de danse, elle mesure à quel point « ces corps qui ont vécu sont naturellement poétiques, racontent des récits de vie, de joie, de souffrance, de réalité ». Une matière brute extraordinaire pour la créatrice. Amalia Salle « imagine pouvoir donner à ces corps anciens un moyen d’expression, une nouvelle vie, une résonance entre corps et âme ».
L’émergence d’Amalia Salle
Amalia Salle est née en Argentine, ses parents ont émigré en Italie quand elle avait 5 ans. A 16 ans, elle découvre le hip hop. Elle se destine à devenir chirurgienne mais finalement entre à l’académie de danse de Milan. Elle vient à Paris régulièrement, car « il existait un bon niveau en danse et un esprit d’avant-garde ». Elle s’installe dans la Ville lumière, continue à apprendre tout en donnant des cours, « c’est à ce moment que j’ai commencé à penser chorégraphie et création », raconte Amalia Salle.
La période covid a été un moment de réflexion très personnelle, pendant lequel elle a pu « écouter ce qu’elle avait dans le coeur ». Elle crée alors les Vivaldines, des pièces courtes avec lesquelles elle tape dans l’oeil de grands noms du hip hop français comme Mourad Merzouki, alors directeur du centre chorégraphique national de Créteil ou Abou Lagraa. Artiste associée du théâtre Jean Vilar, qui la soutient et l’accueille en résidence, Amalia Salle crée pour Suresnes cités danse 2023 son premier spectacle, Affranchies. Pédagogue réputée, elle intervient dans le cadre de ce partenariat dans les établissements scolaires et auprès des seniors. C. G.