Durant tout le mois de juin, les passants ont dû imaginer un professeur tyrannique au sein de l’école de danse de la rue Benoît Malon en voyant, jour après jour, enfants, adolescents et adultes sortir en larmes ou les yeux rougis du numéro 39. C’est que la fondatrice de l’école a tenu à annoncer successivement, à chacun de ses groupes, qu’elle arrêtait. Les élèves s’y attendaient sans vraiment y croire. La confirmation tombe à la fin du cours. L’école de danse classique de Monique Servaes, aménagée avec son mari en 1978 dans un ancien entrepôt d’un quartier d’usines désaffectées, ferme donc ses portes le 2 juillet. Les spectateurs de « Voyez comme on danse », spectacle réunissant tous les cours de danse de la ville le 25 juin au théâtre Jean Vilar, ont encore pu applaudir douze de ses élèves dans un extrait de Bastille, l’un des quinze spectacles qu’elle a créés à Suresnes et dont elle concevait elle-même les costumes. Ce fut l’occasion pour Guillaume Boudy, maire de Suresnes, de lui remettre la médaille de la Ville. Des costumes, elle en stocke plus de 1000 dans trois boxes, donnant l’idée du nombre d’élèves qui sont passés par l’école durant ces 45 années… et même un peu plus puisque la professeure avait débuté son activité quelques années avant dans un grenier de la rue Worth. Elle a tenté de trouver un repreneur à son cours de danse classique, fort de quelque 300 élèves en 2018, âgés de 5 à 60 ans, certains fidèles depuis 25 ans. C’était presque chose faite, mais le Covid est passé par là, refroidissant l’enthousiasme d’entreprendre des uns et les engagements d’autres. A presque 80 ans, elle a alors estimé qu’il était temps.
Fierté et émotion
Quand on lui demande ce qu’elle nourrit de fierté de toutes ces années, on pense bien sûr à Léonore Baulac, entrée au cours à 10 ans et nommée étoile de l’opéra de Paris en 2016, à 26 ans. Ou encore à Lorena Lopez, actuelle professeure de danse classique du conservatoire de Suresnes, passée elle aussi par le cours de Monique Servaes et l’opéra de Paris, puis par le ballet national de Marseille sous la direction de Marie-Claude Pietragalla. Mais c’est surtout le nombre de mails, de jolies cartes et d’effusions de ces dernières semaines qu’elle évoque. « Je tombe de surprise en surprise. Il y a bien sûr la danse, mais au-delà, il y a tout ce qui s’est créé autour et tous les témoignages de l’attachement des élèves à ce lieu et à moi », confie-t-elle, émue, avec à ses pieds ses deux lévriers whippet, mascottes du cours de danse.
Monique Servaes va à présent se partager entre Suresnes, sa ville où elle réside depuis 73 ans et Perros-Guirec, fief de ses origines familiales. « Là-bas, je vais m’occuper comme bénévole des animaux abandonnés au sein d’un refuge de la SPA. Mais je ferai la navette avec Suresnes tant que Léonore Baulac sera à l‘opéra de Paris, encore 10 ans. La première chose que je vais faire en septembre, c’est de m’abonner à l’opéra. Jusqu’alors mes cours qui terminaient à 20h ou 22h m’en empêchaient. »
Monique Servaes a reçu la médaille de la Ville le 25 juin, sur la scène du Théâtre Jean Vilar.