« La musique est le langage universel de l’Humanité ». Quand elle a remis la Légion d’honneur à Gabriella Boda en février dernier, Nadia Hai, ministre déléguée alors chargée de la Ville, lui a dédié ces mots du poète américain Henry Longfellow. « Votre vie et votre parcours artistique et d’enseignante, a-t-elle souligné, en sont des illustrations spectaculaires ».
Ce parcours c’est celui d’une globe-trotteuse musicale, démarré en Hongrie, passé par le Maroc, poursuivi à la Maîtrise des Hauts-de-Seine et l’opéra de Paris, reparti vers la Chine et l’Inde, revenu dans les Yvelines, et qui fait depuis 2019 le bonheur des chœurs de Suresnes. Education émotionnelle En ce mois de juin, Gabriella Boda peaufine les dernières harmonies du spectacle « Chantons l’Opéra » que donneront, le 27 et le 28, dix classes de CE2 de cinq écoles suresnoises.
Après avoir encadré celles d’Honoré d’Estienne d’Orves, Berty Albrecht, Jules Ferry, Le Parc, et Vaillant-Jaurès, elle veille cette année, une heure par semaine, à l’éducation chorale des élèves des Cottage, Pontillon, Raguidelles, Madeleine et Mouloudji. « Le but est de faire comprendre aux enfants que Bach, Mozart, Verdi, Offenbach ou Fauré sont accessibles, pas ennuyeux et qu’avec leurs œuvres on apprend l‘histoire et surtout à exprimer ses émotions. »
C’est le fil rouge d’une pédagogie qu’elle dispense avec une passion bienveillante et communicative, aux élèves du Conservatoire, à un chœur de retraités ou aux agents de la Ville réunis dans le cadre d’un dispositif de bienêtre au travail. « La vie est comme un héritage. On se demande comment être fidèle aux valeurs reçues. Moi je veux transmettre mon amour de la musique et plus généralement de l’Homme, pour éduquer mais aussi pour consoler et guérir… »
Le chant choral est aussi un formidable instrument de lutte contre la solitude, l’exclusion ou l’intolérance.
Son héritage remonte « à une enfance heureuse, pleine de musique », à son père, pasteur, « qui soignait les âmes et chantait avec mes sœurs lors des enterrements » et à sa mère, pédiatre et pianiste, « qui soignait les corps et jouait tant Liszt que les classiques du jazz ». Après des études au Conservatoire National de Debrecen, elle devient professeure et cheffe de chœur, puis prend la direction du Maroc, comme déléguée du mouvement A Cœur Joie.
Elle y promeut, comme elle le fera toute sa carrière, la méthode Kodály, pédagogue hongrois pour qui tout apprentissage musical devait commencer par le chant en doublant l’apprentissage d’une langue maternelle par celui de sa musique folklorique.
A Pékin, avec le Conservatoire national de musique, elle forme les futurs chefs de chœurs chinois. En Inde, elle dirige aussi bien les chœurs d’opéras à New-Delhi que les enfants des rues et des bidonvilles.
Faire de la France une nation chantante
« Ce furent des années de rencontres extraordinaires et de découvertes culturelles dans les trois grandes cultures musicales hors l’occident, qui manifestent un appétit profond pour la musique classique. » Cet appétit musical, légué à ses fils, Marouan, pianiste, et Yanis, chanteur lyrique et chef de chœur, Gabriella n’a de cesse de le transmettre pour former « des enfants équilibrés qui aimeront la musique ».
Son espérance, qu’elle n’a pas manqué de rappeler à la Ministre qui lui remettait sa médaille : voir enfin naître dans les écoles et les collèges un « plan choral » digne de ce nom, qui, à l’instar de la Hongrie, de l’Allemagne ou des Pays Baltes, ferait de la France « une nation chantante ». « Le chant choral, souligne-t-elle, c’est une éducation artistique qui vaut bien les variétés dont nos enfants sont abreuvés. Mais c’est aussi un formidable instrument de lutte contre la solitude, l’exclusion ou l’intolérance. »