Tennisman et showman

novembre 2022

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Depuis la fin de sa carrière professionnelle, Mansour Bahrami, 66 ans, qui vient de s’installer à Suresnes, enchante le public au cours d’exhibitions de tennis où il enchaîne les prouesses avec un humour irrésistible.

Texte : Stéphane Legras

«Quand je rentre sur un court, je suis un artiste, je dois faire le spectacle ». A 66 ans, qu’il ne fait pas, Mansour Bahrami « a toujours la possibilité de jouer au tennis, et de continuer à séduire le public, c’est fabuleux », glisse-t-il. On fait régulièrement appel à lui pour des matchs exhibition où il sert à un public conquis, et aussi sérieusement qu’avec humour, des gestes improbables, aussi peu académiques que virtuoses. Coup entre les jambes dos au filet, amorti qui revient dans sa partie de terrain, service avec six balles dans la main… Des prouesses servies avec un sourire communicatif qui ont fait sa légende et sa longévité. Elles faisaient déjà partie de sa carrière « classique », avant les exhibitions, au cours de laquelle il a remporté quelques tournois, atteint une finale en double à Roland-Garros, « la plus belle ». Cependant ce n’est pas la course aux titres qui lui faisait friser les moustaches. « J’ai perdu des dizaines de matchs importants, perdre ou gagner finalement  importait peu, préférant faire le spectacle pour rendre les gens heureux. Devenir riche ne m’intéressait pas », glisse-t-il. Ou alors une autre richesse, plus humaine.

En 1992, il a donc arrêté sa carrière professionnelle pour se « donner en spectacle » en toute liberté et où « tout est improvisé ». Aux côtés des plus grands : Nastase, autre grand showman, Noah avec qui « le duo fonctionnait du tonnerre », Wilander et surtout Peter McNamara, « le partenaire parfait ». Et maintenant ? « Je continue à jouer une quinzaine d’exhibitions par an contre des jeunes de 30 ans », sourit Mansour. Cet été, il était encore sur le court central de Wimbledon pour un double mixte. De réjouissantes vidéos circulent sur la toile. « Je ne peux pas prendre ma retraite, puisqu’on me demande encore de jouer », se marre-t-il. Avant d’avouer sa grande satisfaction « d’entendre dire que me voir jouer donne envie de jouer. J’aime ce sport et je veux lui rendre ce qu’il m’a donné. » Logique donc de le retrouver ambassadeur de la Fédération française de tennis. « J’organise par exemple le trophée des légendes que j’ai créé en 1997 et voyage à travers la France », explique-t-il. Il est donc régulièrement à Roland-Garros, à 7 minutes en scooter de Suresnes. Une proximité qui n’est peut-être pas totalement étrangère à son installation dans la commune il y a 16 mois. « Une ville calme, agréable et sympathique… »

Persévérance, exil et conscience

Une telle carrière, ce n’était pas couru d’avance. Né en Iran, son père est jardinier dans un complexe sportif. Le petit Mansour a très tôt l’envie d’y pousser la grille des courts de tennis. Mais interdit : réservé aux « bourgeois ». « Cependant, il se trouve que je suis très têtu. J’ai donc joué avec une pelle et contre un mur », se rappelle-t-il. Finalement on lui permet tout de même de ramasser les balles et il finit par se faire offrir une raquette par la fédération iranienne qui cherche du sang neuf. Remarqué, il intègre l’équipe nationale. Sans jamais prendre un cours de tennis… Têtu, et doué !
La suite, c’est la révolution iranienne, dont les mollahs considèrent le tennis comme un sport capitaliste. Et lui c’est sa vie : Mansour rejoint la France, galère avant de décrocher en 1981 une invitation pour les préqualifications de Roland-Garros. Il en passe les six tours et bat même le numéro 4
français, Jean-Louis Haillet, au premier tour du tableau final… sa carrière était (re) lancée… Quant à la situation actuelle en Iran, Mansour Bahrami use de sa notoriété, défend les libertés, alerte dans les médias, donne de la voix contre ceux qui en privent le peuple iranien, « pour que les gens puissent vivre normalement ! »

Le coup du porte-clef

Sur un court, Mansour Bahrami peine à conserver son sérieux « plus d’un quart d’heure ». Même une balle de match ne le ramène pas à la raison. « Lors d’un match contre Yannick Noah, j’ai servi avec une mini balle de tennis, une balle de porte-clef. On a fait 25 échanges avant que le point ne se termine devant un public hilare. L’arbitre ne savait plus quoi faire… »

 

Le 25 septembre, Mansour Bahrami a été intronisé dans la confrérie du vin de Suresnes. « Un honneur », dixit le tennisman.

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