Angèle Dubeau: Liberté, Egalité, Violon

mars 2022

La violoniste québécoise Angèle Dubeau célèbre à Suresnes les 25 ans de La Pietà, un ensemble composé uniquement de musiciennes. Cette virtuose explique au Suresne Mag pourquoi elle s’attache à partager l’amour de la musique et la cause de l’égalité.

Recueilli par Arnaud Levy

Violoniste virtuose, la Québécoise Angèle Dubeau est une musicienne à la célébrité planétaire qui se produit à guichets fermés à travers le monde. Elle a vendu plus de de 600 000 albums et récolté 150 millions de streams.

Cette femme de fougue et d’engagement qui a la musique pour passion et le partage pour vocation, se produira à Suresnes pour célébrer les 25 ans de La Pietà, un ensemble composé uniquement de musiciennes. Au programme : une incursion dans le monde de femmes compositrices (Rachel Portman, Elena Kats-Chernin et Rebecca Dale) et des œuvres incontournables de son répertoire (Vivaldi, Ludovico Einaudi, Philip Glass ou Max Richter) pour un concert baptisé « Elle ». « Au singulier, précise-t-elle, parce que chaque femme est unique.»

Suresnes-Mag : Qu’est-ce qui vous amené en 1997 à créer cet orchestre composé de femmes ?

Angèle Dubeau : J’avais le projet de diriger un album de concertos de Vivaldi tout en jouant la partie soliste, mais tous les orchestres à cordes venaient avec leur chef. J’ai donc décidé de fonder le mien et je me suis rendu compte que les musiciens avec qui j’avais envie de jouer étaient toutes des femmes. Je me suis dit que c’était une belle idée. C’est devenu une réorientation de carrière qui m’a comblée.

Ce projet a aussi revêtu une dimension symbolique pour mettre en avant l’égalité ?

A. D. Certainement. Quand j’ai commencé ma carrière il y avait très peu de femmes compositrices ou musiciennes. J’ai réalisé très jeune l’injustice du déséquilibre. Une de mes toutes premières critiques écrivait: « Elle joue tellement bien qu’on dirait un homme». Au conservatoire on m’avait laissé entendre qu’il faudrait choisir entre une carrière de soliste ou avoir des enfants! C’était une autre époque et heureusement beaucoup de choses ont changé.

J’ai toujours encouragé les jeunes filles et je suis heureuse de voir que de plus en plus de femmes jouent, étudient ou font carrière. Mais on n’est pas encore à l’égalité. M’entourer de femmes, communier sur scène avec elles et le public, ça a été aussi une façon d’exprimer ce désarroi vis-à-vis de cette inégalité.

C’est toutefois un engagement plus artistique que militant…

A. D. Mon violon est apolitique et ma démarche est avant tout portée par ma passion musicale. D’aussi loin que je me souvienne elle fait partie de ma vie : je m’en nourris, je la chéris. Mais si je peux faire avancer des causes qui me sont chères avec nos bagages de musique et les vitrines d’exception qu’on me donne, je le fais. Et si, avec La Pietà, nous avons contribué à chambouler des préjugés tant mieux !

Vous êtes aussi très attachée à élargir le public de la musique classique…

A. D. « La musique ne doit pas être l’apanage d’une élite, elle est le bien de tous. » Cette citation de Telemann, je l’ai faite mienne. Je viens d’un petit village de campagne, 7e de 8 enfants. Tout le monde faisait de la musique chez nous. Mais je me suis très tôt rendu compte qu’on était une exception et qu’il y avait beaucoup de préjugés. Par exemple qu’il faut avoir fait des études et connaître la musique classique pour l’apprécier.

La musique ce sont des sentiments : on peut aussi la comprendre avec le cœur, les émotions. On peut écouter en toute liberté, sans poser de barrières. C’est pourquoi je me suis fait un devoir d’accepter les invitations les plus modestes dans les plus petites salles. Les gens me l’ont rendu au centuple. J’en ai vu pleurer tellement qui me disaient« Merci ! C’était la première fois mais ça ne sera pas la dernière. » A chaque fois, c’est un bonheur incroyable pour moi.

➜ Elle – Concert Angèle Dubeau & La Pietà mardi 8 mars 20h30

 

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