TETE DE SERIE : ALICE GUILHON

décembre 2020

A la tête de SKEMA Business School qui doit ouvrir, en janvier, les portes de son nouveau
campus Grand Paris à Suresnes, Alice Guilhon mène ses troupes avec enthousiasme.
Portrait d’une femme charismatique et déterminée. Texte : Florence Rajon

Enfant, Alice Guilhon s’imaginait chef d’orchestre, conduisant de son pupitre des opéras italiens. Mais c’est une autre sorte d’ensemble qu’elle dirige aujourd’hui avec fougue. A la tête de SKEMA Business School depuis sa création en 2009, cette mère d’une jeune doctorante veille sur 9000 étudiants et plus de 600 collaborateurs dont plus de 170 professeurs, dans sept campus répartis dans le monde entier. Une vaste entreprise sans frontière. « Dès que j’ai été nommée directrice générale du Ceram en 2004, j’ai ouvert un campus en Chine. Ensuite, avec la fusion du Ceram et de l’ESC Lille, j’ai souhaité créer une école qui soit une marque globale avec un fonctionnement qui serait celui d’une multinationale. » Certains lui prédisaient un échec (raté !), mais cela n’effraie pas cette fonceuse qui avoue « ne rien lâcher », en bonne sportive de haut niveau qu’elle a été.

Adolescente, pour la distraire de la flûte traversière, ses parents lui proposent de jouer au tennis. La jeune musicienne s’y révèle plutôt douée. Elle sera joueuse professionnelle, suivant les cours du lycée par correspondance « A un moment donné, entre le latin, le grec, les maths, le sport, le footing, les abdos… j’ai craqué. J’ai été très malade et j’ai arrêté. Le tennis a pourtant forgé en moi beaucoup d’endurance et de ténacité. Quand j’ai décidé quelque chose, je ne m’arrête pas. Tant que je n’y suis pas arrivée, je continue », concède-t-elle en riant. Après son bac, elle marche dans les pas des hommes de sa famille, un père agrégé d’économie, un grand père professeur de médecine. Elle sera docteur en sciences de gestion en 1993, auditrice à l’INHESJ (Institut national des hautes études de sécurité et de justice) et à l’IHEDN (Institut des hautes études de la défense nationale), puis maître de conférence en 1994 à l’âge de 27 ans. Arrivée au Ceram en 2000, elle en gravit rapidement les échelons jusqu’au sommet. « Dans les doctorats, en sciences humaines et sociales, il y a plus de femmes que d’hommes. En revanche, parmi les présidents d’universités, les recteurs, ou les directeurs d’école, il n’y a que des hommes », déplore la directrice. « Cela veut bien dire que le plafond de verre existe, mais cela signifie surtout que des femmes qui arrivent à conjuguer vie familiale et professionnelle, il y en a peu. »

Elle aura réussi les deux, grâce aussi, note-t-elle, à l’aide de ses parents, très présents dans les premières années de sa fille. Au travail, « on m’a bien fait comprendre que j’étais sous surveillance, et qu’étant une femme, jeune de surcroît, ça allait être compliqué… Là où les hommes se satisfont de remplir des objectifs, nous tenons à ce que les gens soient contents. Je gérais cela comme une harmonie familiale ! », se souvient-elle, amusée.
Cette grande bosseuse, également présidente du Chapitre des écoles de management de la conférence des grandes écoles (l’association qui regroupe les grandes écoles de commerce françaises), attend impatiemment, au moment de l’entretien, que ses étudiants découvrent leur nouveau campus de Suresnes baptisé « Campus Grand Paris », avant d’envisager le chantier d’après, l’ouverture d’un campus en Inde. Pour que ses étudiants puissent « s’immerger et comprendre d’autres cultures. L’humilité, c’est ce qui fera une partie de leur différence. »

 

Questionnaire de Proust

Votre principal trait de caractère
Le courage, c’est ce que j’entends le plus souvent.
Votre plus grand défaut
L’impatience. Un énorme défaut ! J’ai du mal à patienter plus de quinze minutes !
Ce que vous appréciez le plus chez vos amis
La loyauté.
Votre occupation préférée
Ecouter de l’opéra. Je suis plutôt attirée par les Italiens. Plus jeune, je chantais Turandot de Puccini, Rigoletto de Verdi, bien ancrés dans la tradition.
Votre rêve de bonheur
Question compliquée… l’harmonie. Enfin connaître l’harmonie, le corollaire à mes défauts, c’est-à-dire l’impatience, l’envie de foncer. Vivre en harmonie avec moi-même, ma famille, mes chiens et mes opéras, ce serait le bonheur !

Début janvier, Suresnes accueillera le Campus Grand Paris, le tout nouveau site de SKEMA, business school réputée. Un projet ambitieux pour l’école comme pour la ville.

Place aux jeunes ! Le 4 janvier, la prestigieuse école de commerce SKEMA (School of Knowledge Economy and Management) doit ouvrir les portes de son campus à Suresnes dans les anciens locaux d’Airbus, en bordure de Seine. Née de la fusion du Ceram et de l’ESC Lille en 2009, elle s’est rapidement hissée dans le top 6 des business schools françaises. En faisant le choix de placer l’international au coeur de sa stratégie, l’école a ouvert des Campus aux Etats-Unis, en Chine, au Brésil et plus récemment en Afrique du Sud. Sans oublier un bureau en Inde et un autre au Canada. Le site de Suresnes, baptisé Campus Grand Paris, a pour ambition de constituer le vaisseau amiral de cette école sans frontières. « La globalisation est l’un des piliers de la formation proposée par SKEMA », explique Cédric Bedini, directeur de projet du campus Grand Paris et directeur de cabinet auprès d’Alice Guilhon, directrice générale de SKEMA.

Hybridation et innovation

« Pour nous, cela signifie d’être présents sur tous les continents. Dans le cadre de leur cursus, nos étudiants peuvent être amenés à changer de campus tous les six mois et à se confronter à d’autres cultures. Le marketing aux Etats-Unis n’est pas le même qu’en Chine. Nos élèves peuvent appréhender ces approches et être préparés à un monde globalisé. » L’école s’appuie sur deux autres piliers : l’hybridation, qui implique que « les étudiants ne se destinent pas uniquement au management mais qu’ils soient formés à d’autres thématiques : le design, le droit, l’intelligence artificielle et les sciences des données… Ces rencontres entre des profils variés permettent de faciliter la création d’entreprises. » Et enfin l’innovation : « Nous sommes une école 100 % digitalisée. Nos campus ne sont pas isolés, ils sont interconnectés. Cela signifie concrètement que les étudiants sont mixés entre les campus et peuvent développer des projets avec des élèves américains ou chinois… Nous leur faisons vivre ce qu’ils connaîtront ensuite, dans leur vie professionnelle. Avec notre incubateur de startups, ils peuvent créer un projet en France, le développer en Chine et le faire naître aux Etats-Unis… »
Après plusieurs années passées au pôle universitaire Léonard de Vinci à la Défense, l’envie de déménager pour plus grand mais aussi pour avoir un espace à soi, s’est fait ressentir. Le choix de Suresnes s’est imposé après une visite à l’ancien siège d’Airbus, qui fut autrefois l’usine du glorieux pionnier de l’aviation Louis Blériot. « Nous avons eu un coup de foudre pour ce site historique », raconte Cédric Bedini. « Lors de la première visite, on s’est tout de suite projeté en tant qu’école dans ce bâtiment. La vue sur la Seine, les larges circulations, l’espace et la situation géographique nous semblaient réunir les conditions de travail idéales. On s’imaginait très bien afficher notre marque SKEMA sur le quai Marcel Dassault. L’image était belle ! », s’enthousiasme le jeune directeur de cabinet.
L’école a investi 150 millions d’euros dans la rénovation des bâtiments, qui s’étendent sur une surface de 30 000 m2, dont la moitié est dédiée aux espaces d’enseignement. Le reste sera transformé en logements pour étudiants, soit un peu plus de 250 chambres qui devraient être prêtes pour la rentrée suivante, en septembre 2022. Le campus comptera deux amphithéâtres, 40 salles d’enseignement, un « K Center » (la direction de l’innovation), et SKEMA Ventures, l’incubateur d’entreprises. Luxe suprême, les étudiants pourront profiter d’une terrasse de 1600 m2 qui domine la Seine et offre une vue imprenable sur le bois de Boulogne et la tour Eiffel.

Déménagement en plusieurs vagues

Après quelques semaines d’arrêt, pour cause de pandémie, les travaux ont repris et sont presque achevés. « Nous attendons le feu vert de la commission de sécurité », souligne Cédric Bedini, « ensuite, nous opérerons un déménagement de nos collaborateurs dans le courant du mois de décembre, en plusieurs vagues, avant l’arrivée des 2500 étudiants, début janvier. Il reste quelques luminaires à poser et nous sommes en train de terminer l’aménagement de la terrasse. On équipe le bâtiment de mobilier, d’aménagement media et, en parallèle, on réalise l’ensemble des tests d’équipements techniques : climatisation, électricité, chauffage… »
Et même si la crise sanitaire devait persister début janvier, l’école est prête. « Aujourd’hui, nous suivons les directives du Ministère de l’Enseignement supérieur, de la Recherche et de l’Innovation, notre ministère de tutelle, et nos étudiants ne sont pas sur nos sites. Tous nos cours ont basculé en ligne et on ne sait pas ce qu’il en sera le 4 janvier. Soit nous poursuivrons à distance, soit nous mettrons en place les mesures sanitaires pour les accueillir physiquement. Depuis la rentrée de septembre, nous étions déjà sur un mode hybride avec 50% de nos étudiants qui étaient dans la salle de classe et 50 % qui étaient à distance. »

Tous les services de la Ville et les élus sont très enthousiastes à l’idée de l’arrivée de l’école. Nous les avons accompagnés dès le début de leur démarche. Cette arrivée est très bénéfique, elle participe au rayonnement de la ville.
Pierre Perret, adjoint au maire délégué à l’Enseignement supérieur et à la formation continue

Suresnes-SKEMA, un dialogue gagnant-gagnant

« L’accueil de la Ville a été très positif dès l’origine du projet et ça a joué dans notre décision », souligne Cédric Bedini, directeur du projet. « Pour mener à bien de tels plans, il faut un soutien des pouvoirs locaux qu’on a tout de suite trouvé à Suresnes avec le maire de la précédente mandature et aujourd’hui avec son successeur, Guillaume Boudy. Les services de la mairie ont été très réactifs pour l’instruction des dossiers d’autorisation et ils suivent avec grand intérêt l’évolution du projet. Nous sommes en contact très régulier. »
Même son de cloche du côté de la mairie. « Les différents services de la Ville, voirie, urbanisme, sport se sont impliqués pour que l’arrivée se passe au mieux. Il y a ainsi eu la sécurisation des accès (passages piétons) à l’école. La Ville réfléchit également à élargir l’offre de transports : une station Velib’ sera installée devant le campus et nous avons demandé à densifier le nombre de bornes dans la ville. Une amélioration du circuit cyclable est déjà en cours », détaille Pierre Perret, adjoint au Maire en charge de l’Enseignement Supérieur et de la formation continue.

La Ville travaille également à sensibiliser les commerçants et les agences immobilières à l’arrivée des étudiants et notamment des étudiants étrangers. « La pratique de la langue anglaise serait un plus pour les commerçants de la ville, le temps que les 1500 étudiants étrangers apprennent à maîtriser les bases du français. » Les bénéfices pour Suresnes pourraient être multiples. « On peut penser à l’accompagnement à travers des associations d’aides aux devoirs, notamment grâce aux étudiants étrangers (qui représentent la moitié des effectifs de l’école, ndr) qui pourront offrir des cours de langues aux enfants de la ville. Ce sont aussi des logements à prévoir, des emplois, car l’école est d’abord une entreprise », ajoute l’adjoint. « Sans oublier la collaboration possible entre le service Vie économique et Emploi de la Ville et l’incubateur de startups de l’école. Ou les différents partenariats avec les associations sportives de la ville, le RCS par exemple. Cette arrivée est une chance, c’est aussi un défi. »

 

Skema a réalisé plusieurs films pour présenter le futur campus. Dans le troisième épisode, publié en juillet, Marc Pellafinet, étudiant à Skema, présente Suresnes et tous les moyens pour se rendre sur le nouveau campus Grand Paris de Skema. Ici sur la terrasse du Fécheray.

 

 

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