« Quand je suis arrivée dans cet immeuble, j’étais la plus jeune… », se souvient Georgette Automme. En cette journée hivernale, la visite de Inga Adler, chargée de prévention, et de Haude de Chalendar, l’archiviste de la Ville, est un rayon de soleil pour l’octogénaire qui ne sort presque plus de l’appartement du boulevard Henri Sellier où elle a emménagé en 1952. Confortablement installée dans son salon, elle fait affluer les souvenirs. « Il y avait une véritable entraide dans l’immeuble. Quand on montait à pied, on rencontrait du monde, on discutait. Mon fils allait porter du charbon à des personnes âgées, qui lui donnaient une petite pièce en échange… Quand l’ascenseur est arrivé, il y a une vingtaine d’années, ça a tout changé ! »
La vie quotidienne, les loisirs, le travail, l’école, la guerre… De nombreux thèmes sont abordés durant ces rencontres. Guidée par les questions des deux intervenantes, Georgette redonne ainsi vie à un passé intime qui raconte des pans d’histoire. « Une fois que mes enfants sont allés à l’école, j’ai trouvé du travail facilement. Il se trouvait aux portes des magasins ! J’ai commencé au Prisunic dans les bureaux, sans formation ni expérience, puis chez Fiat comme hôtesse. J’ai tout fait, j’aimais apprendre. J’avais une vie très agréable », se souvient-elle avec un sourire nostalgique.
Prisunic et pêche au bois de Boulogne
« Regardez, j’ai trouvé ces plans de chez Fiat, vous reconnaissez ? » interroge Haude de Chalendar en dépliant un grand croquis aux lignes épurées. Un peu plus tard, l’archiviste montre une coupure de presse relatant l’inauguration de la bibliothèque suresnoise où Georgette, grande lectrice, aimait passer des moments solitaires. Au fil des échanges, Georgette replonge dans les moments, petits et grands, qui ont fait sa vie. Comme ces sorties en famille au bois de Boulogne tout proche : « Mon mari y pêchait… et c’est lui qui nous préparait le poisson, c’était un cuisinier épatant ! ».
Ce projet original a été pensé puis mis en place, en mars 2022, par Inga et Haude, avec l’objectif d’allier prévention et mise en valeur des archives de la Ville. « Depuis 2016, j’interviens à domicile auprès des publics fragiles et isolés, explique Inga. Il s’agit de stimuler la mémoire, de prévenir le vieillissement, d’amener la culture à des gens qui n’y ont pas forcément accès… C’est dans cet esprit que nous avons monté ce projet. Au-delà du partage d’émotions et de souvenirs avec les témoins, c’est une façon d’enrichir leur récit grâce aux précieux documents que Haude apporte. »
Une dizaine de témoignages ont été recueillis auprès de trois témoins, et les fondatrices entendent bien poursuivre cette initiative enrichissante pour tous. Pour mettre en lumière le fruit de ce travail collectif, Inga et Haude ambitionnent de concevoir, à terme, une exposition qui donnerait à voir, entendre et lire les témoignages recueillis et les archives mobilisées. Les Suresnois n’ont pas fini d’avoir rendez-vous avec l’histoire !
